Ils sont à part. Exceptionnels serait plus exact. Les enfants et les adolescents hypersensibles vivent leur rapport au monde, à l’autre, à soi, sans filtre. Sans cette capacité qu’ont les autres d’émousser, d’absorber, de gérer l’information, l’émotion qui les submergent et auxquelles ils sont confrontés.

C’est cette particularité qui les rend à la fois admirables parce qu’elle est source de talents, de facultés, de potentialités dont les autres sont dépourvus, et qui en même temps les démunit parce qu’elle les fragilise.

Beaucoup ont des troubles de l’apprentissage, les fameux DYS (dyslexie, dyspraxie, dysorthographie, dyscalculie). Certains ont développé des phobies sociales et scolaires, d’autres souffrent du trouble du déficit de l’attention, ou d’hyperactivité, d’autres sont des surdoués en rupture, d’autres encore autistes et asperger.
Nathalie Brochard

Las, dans un monde formaté et compétitif qui lisse les individus, loue la normalité, s’accommode de la médiocrité au nom de l’égalitarisme, l’hypersensibilité apparaît comme une faiblesse, une carence, une pathologie pour certains.

gérer ses émotions

Dans cette société du spectacle qui jauge l’humain à l’aune de sa notoriété sur les réseaux sociaux, de son aptitude à paraphraser les pensées mollassonnes de ses contemporains ou d’une narcissique inclination pour l’auto-promotion perpétuelle, les peurs, les silences, les larmes, les colères incontrôlables de l’enfant et de l’adolescent hypersensible constituent de véritables souffrances qui doivent être prises en compte.

Enfants hypersensibles : un film pour comprendre les émotions et apprendre à les gérer

Le projet de film « Enfants hypersensibles : un projet pour l’avenir » vise à alerter le public à propos de cette réalité qui toucherait près de 20% de la population mondiale, selon le Docteur Elaine Aron, spécialiste du sujet.

Ils sont de plus en plus nombreux à venir consulter : ce sont des enfants, des adolescents, des jeunes adultes également. On les appelle des « hypersensibles ». Ils ont un point commun : une hyperémotivité ! Ce sont de véritables éponges. Ils ressentent votre propre émotion comme si c’était la leur et de manière exacerbée.

Initié par la Psycho-praticienne, hypnothérapeute et formatrice en psychologie Nathalie Brochard, avec le concours du réalisateur Jean-Yves Bilien, ce documentaire dont le tournage devrait commencer ce mois-ci nécessite 35.000 euros pour sa réalisation.
Il fait actuellement l’objet d’une campagne de financement participatif sur la plateforme Proarti.

Hypersensibilité : la gestion des émotions à l’ESSA

À l’ESSA, deux formations de spécialisation sont proposées aux sophrologues praticiens qui s’intéressent à ces problématiques. La Spécialisation en Sophrologie appliquée aux troubles émotionnels et la Spécialisation en Sophrologie appliquée à l’enfance et à l’adolescence permettent d’aborder les difficultés singulières de ces personnes, qui n’ont souvent pour seul recours que le repli sur eux-même.

Toute la difficulté pour le thérapeute quel qu’il soit, tient à la nécessité de préserver cette richesse qui confine pour certains au génie, tout en permettant à ces personnes de vivre dans la sérénité et l’harmonie ce paroxysme de sensibilité caractéristique de leur précieuse différence.

exercice sophrologique anne almqvistFormation à la gestion des émotions : l’avis de Anne Almqvist

picto essa formationsQuelle analyse faites-vous de la situation des personnes souffrant d’Hypersensibilité ?

On les appelle les HPE, pour Haut Potentiels Emotionnels. Et ils sont souvent des HPI (Haut Potentiels Intellectuels) qui s’ignorent; lorsqu’ils le découvrent, c’est le choc et souvent le refus d’y croire.

Ils débordent d’énergie mais ne sont pas forcément hyper-actifs. En alerte et en éveil, capteurs déployés, ils catchent tout. L’hypersensibilité, c’est de l’émotivité, de l’empathie, de l’intuition puissance 10 et une réceptivité exacerbée avec une illusion d’incompétence. Drôles et tristes, rieurs et susceptibles, créatifs et craintifs, spontanés et angoissés, dotés d’une imagination débordante et déroutante, curieux, perfectionnistes et champions de la procrastination quand la peur de ne pas y arriver les saisit, vifs et rêveurs, chaleureux et glacials, matures et immatures, dans une dualité constante qui les malmène et dans laquelle ils se perdent.

Ils croquent la vie à pleines dents mais ils ont peur de sa saveur et d’eux-même, alors ils se replient. Ils sont comme sur un rond-point duquel ils peinent à sortir, car choisir c’est prendre le risque de se tromper. C’est aussi renoncer aux alternatives qui se présentent et donc faire en quelque sorte le deuil de ces solutions; une perspective redoutée parce qu’elle constitue une fin inexorable, une sorte de mort, qu’ils redoutent dès le plus jeune âge sans en avoir pleinement conscience.

Cette peur de perdre les rend exigeants vis-à-vis des autres; ils attendent d’eux justice, intégrité, précision, constance… autant de qualités requises qui rendent les relations souvent complexes. Ils sont très anxieux et pour accéder un tant soit peu à un minimum d’insouciance, ils partent dans des rêveries sans limite ni contrainte qui leur offrent un espace de liberté, à défaut de légèreté, tant leur pensée est débordante.

picto essa formationsQuelles sont les points forts et les particularités de vos formations de spécialisation s’agissant de l’Hypersensibilité ?

Se former à l’accompagnement sophrologique des émotions c’est vouloir comprendre l’hypersensibilité et respecter l’hypersensible pour l’aider avec précaution sur le chemin de la confiance et de la réalisation. C’est permettre à l’enfant de lâcher prise, de se laisser aller à cette émotion qui l’épuise, afin qu’il l’accueille et qu’elle devienne un guide, un socle à repérer, à identifier pour mieux l’apprivoiser, la vivre et la dépasser.

La formation de spécialisation à l’enfance permet au sophrologue d’intégrer des exercices ludiques dans sa pratique professionnelle. Elle permet aussi d’exploiter des techniques et des modalités d’accompagnement bienveillantes que pourront utiliser les professionnels de l’éducation et les parents, souvent démunis.

picto essa formationsDans le cadre de votre activité de sophrologue, avez-vous le souvenir d’un accompagnement particulièrement touchant ou marquant ?

Je reçois beaucoup d’adolescents HPE dans ma consultation. Chacun d’eux me touche et je les adore. Je n’ai donc pas de souvenir « préféré« .

Ils ont tous d’incroyables capacités mais ils manquent énormément de confiance en eux et se dissimulent derrière ce doute qui freine leur développement personnel.

Les ruptures et les conflits amicaux ou amoureux sont vécus comme des trahisons qui les font souffrir. Les remarques et les critiques des professeurs sont perçues comme des coups de poignards, les examens comme une torture, mais le pire ennemi de l’hypersensible, c’est lui-même. Le regard et le jugement qu’ils portent sur eux sont sans concession et réveillent de terribles angoisses.

La sophrologie leur permet de vivre en harmonie avec eux-même. Cependant, l’apprentissage est long et chaotique, car le doute, la remise en cause, l’envie d’abandonner ne sont jamais loin. Alors bien sûr j’apprécie de les voir progresser dans l’épanouissement et les voir s’envoler. Parfois, 5 ou 10 ans plus tard, lorsque le tourbillon de la vie les brasse un peu trop fort, ils reviennent me voir pour quelques nouvelles séances de sophrologie. Ce sont des moments chaleureux et authentiques parce qu’ils savent que le jugement est suspendu en sophrologie. Je leur permets de retrouver le chemin empathique et sécurisant qui mène à soi. C’est une dynamique psychique qui s’émousse lorsque trop de capteurs sensibles finissent par brouiller leur réalité.

Changer l’image négative que l’on à de soi s’acquiert en osant porter une attention positive, chaleureuse et bienveillante sur ses actes, ses démarches, ses réalisations, ses relations, ses échecs, ses réussites et bien sûr ses émotions.

C’est mon travail de sophrologue et il me passionne.

picto essa formationsQuel rôle pourrait avoir selon vous le Réseau National des Sophrologues que vous avez créé il y a quelques mois, sur ces sujets de l’hypersensibilité ?

Le Réseau National des Sophrologues Professionnels comprend différents pôles. Le pôle éducation est constitué de sophrologues spécialisés et sensibilisés à la problématique de l’enfance et de l’adolescence. Ils exercent auprès des professionnels de l’enfance pour leur permettre d’apprendre à accueillir cette hyper-émotivité, à suspendre leur jugement, à adapter leur relationnel à l’enfant pour lui donner confiance, à travers des techniques de relations bienveillantes et qui favorisent la sérénité.

Le travail collaboratif des sophrologues du réseau ouvre de nouvelles perspectives de sophro-pédagogie afin que les adultes puissent être disponibles face à ces tourbillons d’émotions et qu’ils sachent en faire une force et non un handicap.

Avec le concours des éducateurs et des professeurs, le Réseau à pour mission de réfléchir à la façon de développer une pédagogie positive, plus intégrative et participative afin de satisfaire la quête de sens de ces enfants. Il s’agit de sortir d’une éducation normative, profondément angoissante et peu créative pour révéler les capacités et le potentiel extraordinaire de ces enfants et éviter le décrochage scolaire.

Auteur : Eric Eymard