Le Cycle Fondamental de l'ESSA

Rapport de stage d'application professionnelle au métier de sophrologue rédigé par Sandra SKANDRANI et remis à l'ESSA

Promotion 2020-2021
Le Cycle Fondamental de l'ESSA

Ce stage a été réalisé au sein d’un Pôle hospitalier gériatrique.

Introduction

A l’heure d’entamer ma recherche de stage, je me sentais attirée par l’univers du soin aux personnes âgées. Sensibilisée par ma belle-sœur, aide-soignante en EPHAD, aux problématiques de stress rencontrées par les professionnels de ce secteur, je percevais toute l’utilité de la sophrologie pour les accompagner en ces temps de crise sanitaire. Mais comme je craignais que le contexte ne rende difficile l’organisation d’ateliers dans ces établissements et que je n’avais aucun contact dans ce milieu sur mon secteur géographique, j’engageai par prudence une recherche plus large, à l’appui d’un flyer relativement général.

C’est par ce biais et par la magie d’une certaine synchronicité, que l’un de mes contacts me mit en relation avec une de ses amies, médecin chef au sein du pôle Gériatrie d’un Groupe Hospitalier Intercommunal de la région parisienne, en Seine Saint Denis (93). Nous étions alors début novembre, au début du 2ème confinement et lors de nos premiers entretiens, conduits avec la participation de sa binôme, cadre de santé, je les ai entendues exprimer beaucoup de vécus douloureux autour de la fatigue, du stress et de la perte de sens, mais également autour du manque de reconnaissance de la part de leur direction et de l’existence de certaines tensions au sein de l’équipe managériale en charge des différents services du pôle.

C’est à cette équipe que nous avons convenu de proposer un cycle de 6 séances hebdomadaires de 2h dans l’objectif de « prendre soin de soi pour travailler ensemble en meilleure harmonie ». Cette proposition a été accueillie avec enthousiasme, plusieurs personnes de l’équipe saluant par mail l’initiative de leur collègue et exprimant combien ces séances étaient les bienvenues pour eux.

Présentation succincte du lieu d’accueil et du groupe

Les séances ont été organisées dans les locaux du pôle gériatrique du Groupe Hospitalier Intercommunal, situé sur un vaste terrain boisé, aux côtés d’un EPHAD public, les deux services présentant une capacité d’accueil d’environ 200 lits au total.

La salle réservée était la grande salle de réunion du pôle, habituellement utilisée pour les réunions de service. Son aménagement nécessitait de déplacer chaque semaine toutes les tables et chaises, ainsi que les divers colis qui y étaient entreposés à l’époque pour raisons sanitaires, puisque c’était le seul endroit où le personnel pouvait stocker durant les 72h recommandées, les affaires personnelles déposées par les familles à l’intention des patients. Cet usage particulier se révélera source de dérangements pendant les séances, tandis que la remise en place des tables et chaises deviendra peu à peu un rituel de fin de séance partagé avec les participants, offrant l’occasion d’échanges supplémentaires, propices à l’alliance.

Le groupe initial se composait des quatre binômes « médecin chef – cadre de santé », en charge des services ambulatoire, soins de suite, court séjour et soins de longue durée : deux hommes et six femmes d’origines culturelles variées, travaillant au quotidien dans un univers marqué par une longue tradition de rapports hiérarchiques entre médecins et non médecins. Si je me sentais en terrain familier avec les médecins du fait d’avoir grandi dans l’ambiance du cabinet médical paternel installé à la maison, j’avais conscience du risque de construire mon intervention sur la base d’une certaine idée de leur stress, biaisée par mon vécu familial.

J’ai donc pris le temps de lire quelques articles sur la situation des soignants à l’hôpital et d’interviewer une camarade de formation, infirmière en unité COVID, pour apprécier le plus objectivement possible leur contexte. J’ai ainsi noté qu’au-delà de l’implication humaine, émotionnelle et physique, au-delà du rythme de travail et des horaires décalés, leurs conditions de travail, s’étaient vraiment dégradées ces dernières années, avec une absence de reconnaissance et un manque de moyens humains et matériels.

Ces conditions de travail si particulières, compliquées par le contexte COVID, auront beaucoup influé sur la vie du groupe, au gré des urgences en cours de séance, absences pour récupération de garde ou réquisitions sur la campagne de vaccination. Entre autres adaptations, elles m’auront amené à réajuster le programme à l’issue de la première séance, en passant de 6 séances de 2h à 8 séances d’1h30.

Présentation de la sophrologie et des objectifs du stage au groupe

Présentation de la sophrologie

J’ai préparé ma présentation de la sophrologie au groupe, avec les intentions suivantes :

  • permettre à chacun de comprendre l’esprit de la pratique et rassurer sur le sérieux de la méthode
  • permettre de sortir, autant que possible des idées reçues et éventuels a priori que certains d’entre eux pourraient avoir, en lien notamment avec l’empreinte culturelle de la médecine occidentale et à sa tendance à traiter le corps indépendamment de l’esprit
  • permettre à chacun de se faire une idée des pratiques que nous allions faire ensemble
  • éveiller l’intérêt et donner envie de vivre l’expérience à mes côtés

Le jour venu, j’ai commencé par demander aux personnes du groupe ce que la sophrologie évoquait pour elles, si elles en avaient déjà fait l’expérience et si tel était le cas, ce que cela leur avait apporté. J’ai ainsi appris qu’une participante l’avait pratiquée en préparation à l’accouchement, qu’une autre avait suivi des séances d’hypnose pour mieux dormir, qu’une autre encore établissait un lien avec le yoga, avant qu’une dernière participante ne révèle qu’elle était elle-même sophrologue.

Cette révélation m’ayant un peu troublée, j’ai pris un temps pour me recentrer sur ma respiration et sur la sensation de mes pieds au sol avant de présenter la sophrologie autour des points suivants :
ses origines : sa mise au point dans les années 60 par le Dr. Alfonso Caycedo, psychiatre exerçant dans un service de neuro-psychiatrie à l’hôpital de Madrid (ce point me paraissait important pour asseoir le sérieux et la légitimité de la méthode auprès des médecins du groupe) puis son extension à toutes les sphères de la société, autour d’un vaste champ d’applications : gestion du stress, préparation d’un projet (sportif, scolaire), développement personnel, philosophie de vie.

Ce en quoi elle consiste : des pratiques mobilisant le corps et l’esprit ensemble, dans une écoute profonde de soi, permettant de renforcer ses capacités, ses ressources naturelles pour redevenir acteur de son bien-être en développant un nouveau regard sur le choses et une présence sereine à soi (explications ciblées par rapport à ce que j’avais perçu de leurs besoins)

Les différents types de pratiques proposées : respiration, mouvements doux, pratiques guidées en état de détente qui se présentent comme des expériences à vivre. J’ai indiqué l’origine orientale de certaines pratiques, empruntées au yoga par exemple, tout en posant les différences avec l’hypnose (pas d’induction), la relaxation (la finalité n’est pas de se détendre, mais de mettre l’état de détente au service d’une plus grande conscience de soi) et la méditation (il y a des temps de méditation lors des pratiques, mais ce n’est pas une fin en soi, c’est plutôt pour prendre le temps d’intégrer ce qui est vécu dans les pratiques).

Les grands principes : le retour à soi ici et maintenant pour vivre son corps tel qu’il est, en s’orientant vers ce qui est bon pour soi et en mettant de côté toute forme de jugement, d’analyse ou de comparaison.
L’importance de l’entraînement : pour renforcer les effets des pratiques au fil des répétitions.

Même si j’avais structuré les choses et essayé de les exprimer de la manière la plus simple possible, j’ai été, avec le trac du débutant, traversée par la peur que cela fasse peut-être trop d’informations pour des personnes n’ayant jamais fait l’expérience de la sophrologie.

En ces premiers instants où je ressentais à la fois le besoin de me rassurer et le besoin d’asseoir ma crédibilité vis-à-vis du directeur et de la sophrologue, j’ai pris appui sur une posture de formatrice, déjà expérimentée dans ma vie professionnelle, dans laquelle je me sentais plus à l’aise.

Présentation des séances et des objectifs

J’ai partagé avec le groupe le souhait que ces séances soient un temps pour eux, un lieu pour expérimenter, un lieu pour partager, s’ils le souhaitaient leurs expériences et leurs ressentis.
Pour favoriser l’installation de l’alliance, j’ai exprimé que je tenais à faire en sorte que chacun puisse y trouver des choses utiles pour lui, dans sa vie de tous les jours.
J’ai ensuite revalidé avec eux l’objectif de ‘’prendre soin de soi pour travailler ensemble en meilleure harmonie’’, que je leur ai proposé de décliner selon les trois sous-objectifs suivants :

  1. se poser pour respirer, relâcher les tensions et se recharger en énergie positive
  2. prendre du recul pour accueillir les événements avec plus de sérénité
  3. développer une nouvelle présence à soi pour fonctionner en meilleure harmonie avec les autres

A la question « comment vous sentez-vous avec ces objectifs ? », l’ensemble des participants a acquiescé, avec quelques « très bien », « oui c’est ça », « oui ça me va ».

Prise en charge du groupe

J’ai posé comme ligne directrice l’idée d’offrir à ces personnes fatiguées, vivant dans l’urgence au quotidien, la possibilité de retrouver en elles un espace apaisé pour se reposer, se ressourcer et à partir de là pouvoir accueillir les choses de la manière la plus juste possible pour elles.

Pour cela, j’ai imaginé un programme reposant sur la mise en application des grands principes, avec une progression pédagogique autour de trois axes :

  1. l’installation de plus en plus profonde et durable dans le ressenti corporel : avec sur les premiers séances, un fil rouge d’expérimentations autour des 5 sens, utilisés comme porte d’entrée et point d’ancrage pour (r)éveiller l’intérêt de la conscience vis-à-vis de la réalité vécue dans et à travers le corps
  2. l’activation et le renforcement des ressentis positifs et structurants : pour vivre pleinement leurs effets dès les premières séances et développer peu à peu la capacité à les réactiver en cas de besoin,
  3. l’ouverture progressive à un nouveau regard pour accueillir les choses telles qu’elles sont : en commençant par l’abandon des attentes et des jugements vis-à-vis des expériences corporelles pour ensuite développer la capacité d’accueil des ressentis, des situations et des autres.

Pour faciliter la progression pédagogique, j’ai adopté une structure type pour chaque séance :

  • un rituel météo intérieure servant de sas de transition, pour permettre à chacun de bien s’installer et me permettre à moi-même de m’établir dans une juste posture vis-à-vis du groupe, suivi d’un temps d’échange consacré au retour d’expérience de la semaine, les besoins du jour et les objectifs de la séance
  • une séquence de réveil corporel avec des mouvements doux et des pauses d’intégration pour renforcer la présence attentive à leurs ressentis et explorer de nouvelles sensations à chaque séance
  • une séquence d’expérimentation pour les expériences sensorielles spécifiques aux premières séances
  • une technique sophrologique suivie d’un temps de recueil des phénodescriptions
  • une invitation à l’entraînement à travers une pratique informelle dans la vie quotidienne

J’ai ajusté avant chaque séance les objectifs, intentionnalités et pratiques proposées tout en procédant deci delà, à quelques adaptations en cours de séance.

Séance 1 : Se poser pour revenir à soi

J’avais pour intentionnalité l’installation dans le ressenti corporel pour (re)découvrir ses capacités naturelles de détente, dans les possibles de l’instant présent, en lâchant toute forme d’objectif ou d’attente. Pour servir cette intentionnalité, j’ai adopté un ton de voix doux et posé sur l’ensemble des pratiques et dans mon terpnos logos, j’ai joué sur des expressions telles que ‘’laisser son corps se poser, se déposer, se re – poser’’, ‘’observer sa respiration naturelle qui respire d’elle-même’’.

Le groupe

J’ai découvert neuf personnes, parmi lesquelles le directeur du pôle et une sophrologue (cadre dans un autre service) qui avaient souhaité se joindre à cette première séance. Selon les personnes, j’ai pu percevoir des manifestations de fatigue, d’inquiétude ou de stress. Une tension s’est vite manifestée au sein du groupe, lorsqu’à un médecin qui demandait s’il devait retirer sa blouse, deux cadres se sont empressées de répondre en cœur « oui on retire la blouse, il n’y a pas de médecin ici, ici on est tous égaux ».

J’ai réalisé que les médecins n’avaient pas réussi à mettre leurs téléphones en mode vibreur, comme je les y avais invités, lorsqu’à deux reprises, un concert de téléphones se mettra à sonner, la première fois, entre deux pratiques, pour une réunion d’urgence sur l’organisation de la vaccination COVID et la seconde, en pleine SDB, pour un appel à l’aide des soignants en difficulté avec une patiente atteinte de la maladie d’Alzheimer.

Pratiques

Ancrage debout / portrait chinois (20’) : j’ai proposé cette première pratique en cercle, pour favoriser une prise de contact la plus libre et la plus spontanée possible et permettre à chacun de sortir de ses conditionnements professionnels habituels. J’ai invité les participants à se poser dans la posture, prendre conscience de leur respiration puis se concentrer sur les sensations de la plante des pieds, en les laissant s’enfoncer dans le sol comme les racines d’un arbre et à laisser le haut du corps se déployer.

Puis j’ai enchaîné avec le jeu du « portrait chinois » pour faire connaissance autrement, en invitant chacun à prendre la parole librement sur les images qui l’inspiraient : paysage, musique, animal, plat couleur, moment de la journée…

Pratiques de respiration consciente (20’) : j’ai introduit ces pratiques en expliquant que la respiration était essentielle dans la pratique sophrologique, parce qu’elle constituait le chemin le plus court pour revenir à soi et que c’était la seule fonction vitale sur laquelle nous pouvions agir pour réguler nos états émotionnels. J’ai ensuite proposé un temps d’expérimentation, en invitant à observer sa respiration naturelle avant d’explorer tour à tour, l’allongement de l’inspire puis celui de l’expire, pour terminer par une pratique de respiration en carré, avec l’image des 4 saisons. J’avais composé cette pratique pour qu’elle soit équilibrante pour tous, quels que soient les besoins du moment et je l’ai guidée en douceur en invitant chacun à respecter ses capacités, sans forcer et en laissant des silences pour favoriser l’intégration de l’expérience.

SDB (20’) : j’ai présenté la SDB comme une technique de base pour s’installer dans ses sensations corporelles et se détendre de la tête aux pieds. Fidèle à mon intentionnalité, lorsque le téléphone de la salle a sonné alors que nous en étions au niveau du 1er système, je suis restée centrée dans ma respiration et j’ai adapté ma guidance aux circonstances en invitant chacun à simplement observer sans jugement ce qui se passait en lui dans l’instant présent et à rester tranquillement en contact avec sa respiration.

Phénodescriptions

Les premières prises de parole sur le portrait chinois ont été brèves et rapides, témoignant d’une certaine gêne à se dévoiler. La parole a commencé à se libérer à l’issue de la SDB avec le partage d’une première participante ‘’je n’ai pas suivi ce que vous avez demandé, je sentais mes bras lourds, je suis restée sur la sensation de mes bras’’. Observant son visage et ses épaules nettement relâchés par rapport à l’état de tension dans lequel elle était arrivée et notant qu’elle n’avait pas quitté la posture de relaxation, les mains sur les cuisses, je lui ai répondu sur un mode interrogatif ‘’c’est peut-être ce qui était bon pour vous là maintenant ?’’. Après un petit temps de silence, elle a acquiescé ‘’oui, ça fait du bien’’ d’un air soulagé et j’ai conclu ‘’c’est une bonne chose d’avoir découvert cette sensation, je vous invite à la garder en mémoire pour y revenir dans les moments où vous pourriez en avoir besoin’’. Un autre participant, manifestement gêné a partagé ‘’je me suis endormi’’. Je lui ai gentiment répondu ‘’c’est peut-être ce dont vous aviez besoin’’.

Entraînement proposé

J’ai invité les participants à prendre le temps de faire des pauses à divers moments de leur journée pour observer leur respiration. Je leur ai suggéré des temps de transition naturels tels que l’entrée en réunion ou en consultation, les temps de pause dans les transports, ou tout simplement le soir, juste avant de dormir.

Réflexions

Cette séance aura été un véritable baptême du feu en matière d’adaptabilité :
la présence imprévue du directeur et de la sophrologue m’a amenée à faire l’épochè de mes appréhensions
pour pouvoir me concentrer sur l’accompagnement du groupe
la première interruption de séance à la fin de la pratique de respiration, même si je l’ai accueillie plutôt facilement car j’ai été habituée toute mon enfance à entendre le téléphone sonner pour des urgences, m’a néanmoins amenée à exprimer au groupe l’impression que j’avais qu’il était vraiment compliqué pour les médecins de rester 2h sans être dérangés, et à leur proposer d’ajuster la durée des séances à 1h30.
le second appel en pleine guidance de la SDB m’aura finalement offert une opportunité d’approfondir mon
intentionnalité et peut-être aussi de favoriser l’installation de l’alliance.

Séance 2 : Se reconnecter aux sensations corporelles et relâcher les tensions

J’avais pour intentionnalité d’éveiller la curiosité vis-à-vis des sensations corporelles et de développer la capacité à rester en contact avec elles avec le regard du jeune enfant, qui découvre tout ce qui se présente comme si c’était la première fois, sans jugement. Pour servir cette intentionnalité, j’ai joué sur le rythme et la tonalité de ma voix, légère et ludique pour stimuler la curiosité, puis grave et posée pour soutenir l’attention. J’ai aussi créé une pratique autour de l’expérience du toucher, pour éveiller toute une gamme de sensations tactiles et nourrir la curiosité vis-à-vis de l’expérience.

Le groupe

Les six personnes présentes ce jour-là sont arrivées dans un état de grande fatigue. Le directeur du pôle et la sophrologue ne sont pas revenus. Je ne les reverrai plus de tout le stage. De nouvelles perturbations auront lieu au cours de cette séance : appel d’un médecin en urgence, entrée d’un infirmier pour déposer un sac de vêtements dans la salle.

Pratiques

Rituel météo (3’) : j’ai introduit ce rituel en le présentant aux participants comme un sas de transition pour permettre à chacun de s’installer et de se rendre disponible pour la séance. Je les ai invités à se poser et à s’installer dans l’instant présent en mettant de côté tout ce qui les avait occupés avant et tout ce qui les attendait après. Puis j’ai laissé résonner la question ‘’comment vous sentez-vous, là, ici maintenant ?’’

Réveil corporel – Douche sèche et samouraï (10’) : j’avais initialement prévu cette séquence après l’expérience du toucher, mais face à l’état de fatigue des participants, j’ai inversé l’ordre de ces deux séquences pour faire remonter leur niveau d’énergie. J’ai également adapté la pratique en intégrant des petits mouvements de réveil énergétiques issus de la kinésiologie et dont j’ai personnellement l’expérience.

Expérience du toucher (20’) : j’ai présenté cette pratique aux participants comme une invitation à expérimenter ce qui peut se vivre à travers le sens du toucher. Après leur avoir expliqué son déroulement, je les ai invités à bien s’installer et les ai guidés selon le protocole que j’avais mis au point, avec plusieurs étapes d’exploration des sensations, un premier temps les mains sur les cuisses, un deuxième temps en frottant les mains l’une contre l’autre, puis en plaçant les paumes face à face et enfin un dernier temps en accueillant entre ses mains un coquillage que j’avais prévu avec cet effet.

SDN (20’) : j’ai présenté la SDN comme une technique de base pour mettre à distance tout ce qui nous encombre et faire de la place à l’intérieur de soi. Ayant remarqué qu’une des participantes ouvrait souvent les yeux en me regardant d’un air inquiet, j’ai ajouté à mon intentionnalité la sécurité et la confiance, à laquelle j’ai invité à travers mes mots, mon attitude et le ton de ma voix.

Phénodescriptions

Le toucher du coquillage a déclenché des interactions vivantes entre trois participantes, qui ont partagé les images qui leur étaient venues en tête, image de bord de mer pour certaines, souvenir des roudoudous pour une autre. L’une d’elles, manifestement troublée, a partagé ‘’c’est bizarre, à un moment, j’ai ressenti du vide… je ne sais pas … j’étais ailleurs…’’, je l’ai gentiment invitée à préciser en lui renvoyant les mots vide et ailleurs en écho. A travers ses explications et ces gestes, j’ai cru comprendre que c’était l’absence de pensées qu’elle avait vécu comme du vide alors que sa conscience était absorbée dans l’expérience de la plage. Cette reformulation a semblé lui convenir. Je lui ai demandé comment elle se sentait à présent et elle m’a répondu que ça allait.

A l’issue de la SDN, une autre participante a témoigné ‘’j’ai senti que les ondes négatives étaient parties’’ en ajoutant ‘’au début, c’était désordonné, désorganisé’. Je lui ai demandé ‘’était-ce au niveau des pensées, du corps ?’’, ce qui lui a permis de préciser ‘’en fait c’était des sensations qui allaient et venaient ici et là, des tensions qui s’allumaient’’. Sentant qu’elle avait encore besoin de s’exprimer, je l’ai soutenue par un simple ‘’oui … ?’’ et elle a enchaîné ‘’mais après les tensions ont lâché et ça s’est calmé’’. J’ai reformulé ‘’si je comprends bien, ce que tu as vécu comme désorganisé, c’est le fait les tensions ne se sont pas relâchées dans l’ordre proposé par la guidance ?’’. Elle a confirmé et j’ai conclu l’échange par une explication sur le fait que les structures de tension ont leur propre géographie et les flux de relâchement aussi et que l’invitation est simplement de les accueillir, de rester en contact avec ce qui se passe, sans jugement.

A la fin de la séance, la participante que j’avais perçue un peu inquiète est venue me voir pour me partager ses difficultés à respirer depuis qu’elle avait été atteinte de la COVID. Je l’ai senti assez ébranlée, comprenant mieux alors la vibration inquiète qu’elle dégageait depuis la première séance. Je lui ai proposé quelques exercices de respiration thoracique à faire chez elle. Je reparlerai d’elle par la suite sous la lettre F.

Entraînement proposé

J’ai proposé deux entraînements aux participants, le premier étant de prendre le temps d’observer avec curiosité qu’ils vivaient à travers le toucher à différents moments de la journée et le second, de prêter attention au moins une fois par jour à son corps et à ses éventuelles tensions pour les relâcher, en prenant un temps pour cela, le matin ou le soir.

Réflexions

A l’issue de cette séance, j’ai noté un point de vigilance sur le fait que je cherchais peut-être un peu trop souvent dans mes reformulations, à donner du sens à l’expérience de chacun, avec le risque installer une relation ‘’sachant’’ / ‘’saché’’, non propice à l’alliance et non conforme au principe de réalité objective.

Séance 3 : Se mettre à l’écoute de ce qui est bon pour soi

J’avais pour première intentionnalité d’inviter à l’accueil des sensations telles qu’elles apparaissent, se déploient et disparaissent, sans jugement et avec bienveillance pour soi-même. Puis, je souhaitais dans un second temps (r)éveiller la capacité à tourner son attention vers les sensations positives et ressourçantes, pour les vivre pleinement. Pour cela, en plus de la SPI, j’ai créé une pratique autour de l’expérience des sons, qui me semblait intéressante dans l’environnement bruyant de l’hôpital. J’ai déployé tout un champ lexical autour de l’univers sonore avec une douce invitation à passer d’une écoute externe à une écoute interne.

Le groupe

Cinq personnes ont participé à la séance ce jour-là. A son arrivée, F. a raconté avec enthousiasme qu’elle avait pris un plaisir nouveau en caressant son chien cette semaine. Elle a expliqué avoir réalisé que d’habitude elle le caressait de façon machinale et qu’en se penchant vraiment penchée sur ses sensations, elle avait vécu l’expérience d’une tout autre manière, avec quelque chose de très doux et de très puissant.

Pratiques

Rituel météo (3’) : j’ai joué sur l’intentionnalité et la thématique sensorielle de la séance, en invitant à un
temps d’écoute du rythme de sa respiration et de sa musique intérieure.

Réveil corporel (10’) : ayant entendu lors de la séance précédente plusieurs personnes faire part de tensions dans la région de la tête et du cou, j’ai proposé des mouvements de RD1 au niveau du 1er et du 2ème système, en invitant chacun à s’écouter pour suivre son propre rythme. Puis j’ai proposé au groupe une expérience dont je suis familière, qui consiste à émettre en chœur les trois sons Om, Ha, Oum en prêtant attention au ressenti de leur vibration respectivement au niveau de la tête, de la poitrine et du ventre.

Expérience des sons (10’) : j’ai introduit la pratique en faisant le lien avec les perturbations sonores des séances précédentes et l’ai présentée comme une invitation à essayer d’écouter les sons tels qu’ils se présentent à nos oreilles, en mettant de côté les réactions habituelles qui nous font les nommer, les juger. J’ai invité les participants à bien s’ancrer dans les pieds et la respiration puis je leur ai fait entendre plusieurs sons que j’ai créés avec différents accessoires, avant de les inviter à simplement accueillir le paysage sonore qui les entourait là maintenant. Je les ai guidés avec douceur et bienveillance, en ramenant régulièrement leur attention. Lorsqu’une tempête de vent a frappé les fenêtres, je les ai spontanément invités à accueillir le phénomène de superposition des sons.

SPI (20’) : j’ai présenté la SPI comme une technique de base pour développer l’attention à toutes les sensations corporelles liées aux choses que nous vivons comme positives pour nous. Comme nous manquions un peu temps suite aux échanges sur les pratiques précédentes, je me suis adaptée en la guidant uniquement sur les 1er, 3ème , 4ème et 6ème systèmes, en veillant à laisser des temps d’intégration suffisants.

Phénodescriptions

A propos de l’expérience des sons, une personne a partagé ‘’je n’arrive pas à ne pas juger’’. Je l’ai invitée à simplement accueillir l’expérience pour ce qu’elle était, sans se juger elle-même. A la fin de la SPI, un partage animé s’est engagé entre les participants autour de leurs petits plaisirs du quotidien. Je les ai invités à prendre le temps de bien s’en imprégner lorsqu’ils se présentaient et à être attentifs à toutes les sensations positives qu’ils faisaient naître en eux pour pouvoir les réactiver plus tard.

A la fin de ces échanges, une participante a conclu ‘’en fait, on réapprend à s’écouter’’. Je lui ai demandé comment elle se sentait là maintenant pour la ramener à sa réalité objective du moment. Elle m’a répondu ‘’très bien’’ et effectivement, elle arborait un visage bien détendu.

Un peu plus tard, alors qu’elles étaient sorties dans le couloir, j’ai entendu trois participantes partager entre elles sur un ton joyeux et léger ‘’qu’est-ce que ça fait du bien ces séances !’’. Même si je sais que l’agréable n’est pas une attente à nourrir en tant que sophrologue car l’enjeu de notre accompagnement est autre, je dois reconnaître que j’ai été traversée à ce moment-là d’une certaine sensation de satisfaction personnelle.

Entraînement proposé

J’ai proposé deux types d’entraînement aux participants pour la semaine à venir, le premier étant de prêter attention à ce qu’ils vivaient à travers l’écoute des sons, à différents moments de leur journée et le second, de prendre le temps de se gorger de ressentis ressourçants pour pouvoir y revenir en cas de besoin.

Séance 4 : S’ouvrir à un nouveau regard sur les choses

J’avais pour première intentionnalité d’inviter à l’accueil des choses telles qu’elles se présentent avec le regard curieux de l’enfant qui découvre pour la première fois. Puis je souhaitais, dans un second temps, (r)éveiller la capacité de la conscience à adopter ‘’un œil égal pour tout’’ en gardant une part de l’attention tournée vers soi-même.

Pour cela, en plus de la SA/SC, j’ai créé une pratique expérientielle sur la vue. J’ai déployé tout un champ lexical autour de la vue et du regard, avec une douce invitation à passer de la perception visuelle au regard que nous portons sur les choses et sur nous-mêmes. J’ai adopté pour la séance une attitude bienveillante et régulièrement invité à ‘’une attention ni trop tendue, ni trop relâchée’’.

Le groupe

Il n’y a eu que deux participantes ce jour-là. Troublée devant la configuration inattendue du groupe, j’ai senti s’insinuer en moi une vague sensation d’échec, que j’ai accueillie comme j’ai pu pour me rendre disponible vis-à-vis des personnes présentes.

Pratiques

Rituel météo (3’) : j’ai invité les participantes à l’observation de leur paysage intérieur et je les ai invitées à
ouvrir la fenêtre pour regarder en elles le temps qu’il faisait là maintenant.

Réveil corporel (10’) : j’ai guidé plusieurs mouvements issus de la RD1 et/ou du yoga (étirement vertical, inclinaisons de la tête, pompage des épaules, moulinets, rotation axiale), puis j’ai proposé quelques exercices de motricité des yeux, pratiqués les yeux fermés (lent déplacement des yeux de haut en bas, en prenant le temps d’une pause au centre, puis la même chose de gauche à droite, en douceur et sans forcer)

Expérience de la vue (20’) : j’ai introduit cette pratique en évoquant l’importance du sens de la vue qui façonne notre réalité et l’ai présentée comme une invitation à essayer de regarder les choses telles qu’elles se présentent à nous, avec peut-être un nouveau regard. J’ai pris le soin d’inviter les participantes à bien s’ancrer dans leurs pieds et dans leur respiration puis je leur ai fait explorer leurs perceptions visuelles les mains sur les yeux, en entrouvrant leurs doigts comme des rideaux. Je les ai ensuite invités à poser leur regard sur un objet dans la pièce et à en faire simplement l’expérience, pour finir par une invitation à élargir le regard et à accueillir le paysage visuel qui les entourait. Je les ai guidées en ramenant régulièrement leur attention, avec douceur et bienveillance.

SA/SC (30’) : j’ai présenté la SA/SC comme une technique pour développer la capacité d’attention et de présence simultanée à soi-même et au monde et je l’ai guidée d’une voix posée, la plus soutenante possible.

Phénodescriptions

A l’issue de l’expérience sur la vue, une participante a dit avoir ressenti ‘’de la tension au niveau des yeux’’. Je l’ai interrogée ‘’peut-être as-tu un peu forcé ?’’. Elle a confirmé. A la question ‘’est-ce que tu ressens encore cette tension maintenant ?’’, elle a répondu par la négative, puis enchaîné avec un regard plein de stupéfaction ‘’par contre, c’est dingue, mais je n’avais jamais remarqué cette armoire dans la pièce et pourtant j’y viens plusieurs fois par semaine !’’. Elle s’est même levée pour aller toucher l’armoire en question puis s’est rassise manifestement troublée. Je n’ai pas ressenti pas le besoin d’ajouter quoi que ce soit.

A l’issue de la SA/SC, une participante a partagé ‘’j’avais un peu mal à la tête au début alors j’ai choisi de travailler sur les sensations que j’ai le matin au petit déjeuner quand tout est calme et silencieux à la maison’’. Je l’ai invitée à poursuivre par un ‘’oui…’’ et elle a alors décrit ‘’des sensations agréables au niveau du cou et des bras qui diffusent partout dans le corps’’. J’ai reformulé ‘’et bien, j’entends que tu as là une image ressource puissante‘’. Puis, ayant l’impression qu’elle n’était pas tout à fait revenue à l’instant présent, je lui ai posé la question ‘’et là maintenant, comment ça va ?’’, à laquelle elle a répondu ‘’je me sens détendue’’.

Entraînement proposé

J’ai invité les participantes à renouveler l’expérience du nouveau regard, à différents moments de leur journée. Je les ai également invitées à continuer à prendre le temps de se gorger de ressentis ressourçants.

Réflexions

Les retours sur le mal de tête et les tensions dans les yeux m’ont fait m’interroger sur une certaine forme d’exigence que les participantes auraient pu percevoir de ma part car j’avais conscience d’avoir peut-être appuyé un peu trop lourdement sur certains messages, en confondant intentionnalité et intention.

Cette prise de conscience, conjuguée au malaise ressenti devant le fait qu’il n’y avait que deux personnes ce jour-là, m’a plongée dans une profonde et douloureuse remise en question. Envahie par le doute, j’ai revisité les objectifs et les intentionnalités que j’avais posés jusqu’alors et peu à peu réalisé que je m’étais mis trop de pression autour des pratiques sur les 5 sens, comme pour me prouver à moi-même mes capacités à être créative et à apporter de la valeur ajoutée. J’ai réalisé que, ce faisant, je m’étais éloignée de la posture de la relation d’aide en faisant inconsciemment peser sur le groupe un niveau d’attentes nuisible à l’alliance.

La séance de supervision suivie trois jours plus tard m’aidera à aller plus loin et à prendre conscience de la posture de sauveur à la source de toutes ces attentes, une posture de sauveur que j’ai alors clairement reconnue comme la tentative de réparer quelque chose en lien avec mon histoire familiale, qui se trouvait réactivée dans le contexte de cette intervention.

C’est ainsi qu’après avoir traversé une certaine forme de confusion et d’agitation émotionnelle, j’ai commencé à lâcher prise sur mes ambitions et à revoir mon approche des séances dans l’idée de faire plus simple, du point de vue intellectuel et du point de vue relationnel, pour adopter une posture plus juste, laissant plus de place à chacun pour vivre ce qu’il avait à vivre et pour pouvoir l’exprimer librement.

Séance 5 : Accueillir ses ressentis en confiance

Mes précédentes prises de conscience m’ont amenée à une intentionnalité plus simple tournée autour de l’accueil des ressentis, que je souhaitais inviter à accueillir avec douceur et bienveillance, tels qu’ils se présentent, quelle que soit leur nature et leur tonalité, en lâchant les jugements vis-à-vis de ce que l’on sent, ce que l’on voudrait sentir ou ne pas sentir. Je me suis allégée de la pression à continuer à explorer les 5 sens et me suis contentée d’évoquer l’odorat dans les trois minutes météo.

J’ai également développé une intentionnalité autour de la confiance en ses ressentis, avec l’idée que ce que l’on ressent est juste et partant de l’idée qu’il est naturellement difficile d’accueillir des ressentis désagréables, j’ai choisi le geste ancrage pour installer une ‘’base d’accueil saine’’ autorisant la confiance. J’ai également beaucoup travaillé sur la respiration pour faciliter l’ouverture de cet espace d’accueil interne.

Le groupe

Trois personnes étaient présentes ce jour-là, dont une infirmière J. que je n’avais encore jamais vue et qui souhaitait découvrir la pratique. Une participante est arrivée en se plaignant d’être stressée et d’avoir mal à l’estomac. Après avoir rapidement présenté la sophrologie à ‘’la nouvelle’’, j’ai suivi le déroulement prévu pour la séance tout en prenant le soin de rappeler régulièrement pour elle les ‘’fondamentaux’’.

Pratiques

Rituel météo (5’) : après avoir pris le temps d’inviter les participantes à bien s’installer dans le ressenti de leur corps, je les ai invitées à prendre un temps pour accueillir leur respiration, ainsi que toutes les sensations olfactives au niveau de leurs narines, puis je les ai invitées à se demander comment elles se sentaient.

Réveil corporel (30’) : après une mini SDB debout, j’ai guidé plusieurs mouvements de RD1, avec beaucoup de douceur et d’invitation à l’accueil des ressentis entre les mouvements, en prenant le soin d’accompagner avec beaucoup de douceur et de précision les différents temps respiratoires.

Geste signal (installation en situation ressourçante) + 3 qualités (30’) : j’ai présenté le geste signal comme une technique permettant d’engrammer les sensations bonnes pour soi en les associant à un geste librement choisi pour pouvoir les réactiver à tout moment et ainsi retrouver une base d’ancrage saine en soi. Dans ma guidance, j’ai pris le soin de bien développer les trois techniques clés pour ‘’la nouvelle’’ et j’ai fait évoluer mon terpnos logos sur la SDN par rapport aux séances précédentes, en invitant, avec beaucoup de douceur, à ouvrir un espace où tous les ressentis peuvent se côtoyer. En fin de séance, j’ai invité à renforcer les trois qualités de confiance, harmonie corps / esprit et optimisme.

Phénodescriptions

J. a exprimé qu’elle ‘’n’arrivait pas à détendre la zone de la tête’’. Je l’ai invitée à accueillir les sensations telles qu’elles étaient sans forcément chercher à vouloir les changer. Je lui ai demandé comment cela allait maintenant, elle m’a répondu ‘’encore un peu mal, mais ça peut aller’’.

Une autre participante a exprimé ‘‘j’ai senti que quelque chose a lâché, je réalise que c’est le stress de ce matin à l’idée de venir en voiture sous la neige et toutes les crispations que j’avais au volant’’.
La participante arrivée avec des douleurs d’estomac a quant à elle partagé qu’elle se sentait ‘’bien plus détendue à présent’’ et qu’elle n’avait ‘’plus mal à l’estomac’’. Puis elle a enchaîné ‘’mais maintenant, il va falloir s’y remettre’’. Je l’ai alors invitée à revenir à sa respiration en soufflant doucement pour voir dans quelle mesure il était peut-être possible pour elle de reprendre le travail en gardant un peu de cette sensation de détente qu’elle avait ressentie.

Entraînement proposé

J’ai invité les participantes à continuer à entraîner leur geste signal avant / après un moment important ou bien le matin / le soir selon ce qui convenait à chacun et à observer les effets.

Réflexions

J’ai constaté que je me sentais bien plus à l’aise pour accueillir les changements de configuration du groupe, sans déception ni questionnements. J’ai également eu la sensation que quelque chose avait changé dans ma façon d’accueillir les phénodescriptions et qu’une certaine forme d’alliance était en train de naître. Enfin, j’ai noté pour la prochaine séance d’intégrer à mon terpnos logos le souhait de garder présente la sensation de détente pour la suite de la journée, les heures et les jours à venir.

Séance 6 : Renforcer sa capacité d’accueil des situations

Après deux semaines de congés, j’avais pour intentionnalité de consolider l’ancrage et les capacités d’accueil, avec confiance, douceur et bienveillance, en passant de l’accueil des ressentis à l’accueil des situations. J’ai continué à travailler le geste signal, pour l’ancrer un peu plus et pour l’entraîner dans l’accueil d’une situation légèrement inconfortable.

J’ai décliné dans mon terpnos logos des messages tournés autour du lâcher-prise vis-à-vis de ce que l’on voudrait vivre ou ne pas vivre à travers les situations, toujours avec cette idée de confiance dans ce que l’on vit, qui est forcément juste au moment où on le vit. Suite à une expérience très forte, vécue lors d’une de mes pratiques personnelles, ma posture était particulièrement ouverte, douce et accueillante lors de toute la séance.

Le groupe

J’ai retrouvé à cette séance les trois personnes ayant suivi le plus régulièrement les séances depuis le début, F., M. et Z. (4 séances sur 5 pour chacune d’elle). Toutes les trois ont exprimé combien elles étaient heureuses de reprendre les séances car cela leur faisait du bien.

Pratiques

Rituel météo (5’) : j’ai allongé un peu la durée pour permettre aux participantes de renouer tranquillement avec la pratique et réveiller les acquis des séances suivies jusqu’alors. Dans la guidance, j’ai fait un clin d’œil à nos pratiques passées sur les cinq sens et les ai invitées à goûter les ressentis du moment, à les accueillir tels qu’ils se présentent, puis j’ai terminé par une invitation à s’accueillir tels que nous sommes.

Réveil corporel (30’) : j’ai travaillé sur l’ancrage des pieds, avec des mouvements très fins d’avant en arrière et de gauche à droite pour éveiller la sensation des points d’appui et inviter à observer comment le corps retrouve son point d’équilibre après ces mouvements. J’ai enchaîné avec quelques mouvements issus de la RD1 et du yoga que j’ai sentis justes sur le moment : étirement de l’axe, posture de la pince (relâchement du buste, tête en bas, avec les bras et les épaules libres), invitation à soupirer, bailler si c’est juste et si ça vient, doux pompage des épaules et mouvements de marche sur place, puis dernier étirement de l’axe.

Geste signal – entraînement + projection sur une situation future (30’) : une des participantes ayant été absente à la séance précédente, j’ai pris le temps de bien réexpliquer la technique et son objectif tout en expliquant que nous allions prendre le temps de bien ancrer le geste, mais également l’entraîner sur une situation un peu inconfortable, mais pas trop pour rester dans un entraînement progressif.

Phénodescriptions

A l’issue de la marche sur place, F. a témoigné ‘’j’ai vraiment eu l’impression d’habiter mes gestes, alors que d’habitude, je les fais sans en avoir conscience’’. Je l’ai remerciée pour ce partage et l’ai invitée à poursuivre sa pratique dans ce sens.

A l’issue du geste signal, Z. a exprimé ‘’j’étais ailleurs, j’ai senti des ondes positives’’. Je l’ai invitée à préciser comment ça se manifestait pour elle dans son corps. Elle m’a répondu ‘’de la douceur dans la région du cœur’’ tout en accompagnant ses propos d’un doux geste vers sa poitrine. Je lui a demandé comment elle se sentait là maintenant et elle m’a répondu ‘’c’est toujours là, c’est doux, c’est chaud’’.
M. a témoigné qu’elle avait utilisé ce geste dans son quotidien et qu’elle avait trouvé cela très utile et très efficace, puis elle a partagé, à propos de l’expérience du jour ‘’c’est amusant comme le corps se souvient, la détente s’installe plus vite, les sensations associées au geste reviennent un peu plus vite, un peu plus fortes’’. Je l’ai remerciée pour son témoignage et invitée à poursuivre son entraînement en ce sens.

Entraînement proposé

Je les ai invitées à poursuivre l’entraînement de leur geste signal avant / après un moment important ou bien le matin / le soir selon ce qui convenait à chacun et à observer les effets.

Réflexions

J’ai eu le sentiment que le fait d’avoir lâché prise leur avait laissé bien plus de place pour vivre et partager leurs propres expériences et il m’a semblé que leur investissement personnel dans la pratique commençait aussi à ‘’porter ses fruits’’ les amenant à une expression plus précise et plus subtile de leurs ressentis.

Séance 7 : Développer sa capacité à rester présent à soi, en présence des autres

J’avais pour intentionnalités l’accueil et la présence à ce qui est, sans attente et dans les possibles de l’instant présent. J’y ajoutais la confiance en sa capacité à rester à présent à soi et à suivre son propre chemin, en présence des autres. J’optais pour une marche phronique, avec un temps pour ouvrir les yeux en regardant les autres, ainsi qu’une SPC pour projeter ses capacités dans une situation à venir.

En séance a émergé une intentionnalité de douce attention vis-à-vis de soi, liée je pense à mon propre état de fatigue (j’avais passé la soirée précédente avec ma fille aux urgences), et qui s’est spontanément exprimée par beaucoup de douceur de ma voix et dans ma posture, avec une invitation à laisser faire, laisser être.

Le groupe

Deux participantes ont participé à cette séance, Z. et J. Je me suis sentie bien plus à l’aise que la dernière fois où il n’y avait eu que deux personnes. Je me suis vraiment sentie en alliance avec elles deux et j’ai d’ailleurs plus spontanément utilisé le nous dans mes guidances.

Pratiques

Rituel météo (5’) : j’ai guidé cette séquence debout pour faciliter l’enchaînement avec la marche phonique. J’ai invité Z. et J. à se poser et à souffler pour s’installer dans une douce présence à elles-mêmes et je leur ai laissé un temps pour apprécier peut-être une nouvelle forme de disponibilité.

Marche phronique (20’) : après quelques petits mouvements pour bien sentir les points d’appui des pieds, j’ai guidé très lentement le 1er pas, en invitant à percevoir les changements d’appui et le passage d’un équilibre à un autre, puis nous avons pris le temps de cette marche en silence, avec une invitation à rester centré sur soi. Par la suite, j’ai invité à poursuivre la marche tout en ouvrant le regard autour de soi pour accueillir la présence des autres, tout en continuant à rester centré sur soi et sur sa marche.

SPC (30’) : j’ai présenté la SPC comme une technique permettant de projeter ses capacités dans une situation future. Au niveau de la SPI, j’ai spontanément glissé une invitation à accueillir les sensations d’énergie de vie, c’était la première fois que j’évoquais de telles images, je pense que je devais avoir perçu à leur manière de pratiquer qu’il y avait peut-être une ouverture pour cette nouvelle façon d’évoquer les choses. En fin de pratique, je les ai invitées à projeter leurs capacités dans les heures, les jours et les semaines à venir.

Phénodescriptions

A l’issue de la marche, J. a exprimé avoir ressenti ‘’beaucoup de sensations dans les pieds, avec un mélange d’enracinement et de légèreté et quelque chose qui s’est ouvert à l’intérieur de ses articulations’’.
A l’issue de la SPC, Z. a exprimé qu’elle s’était sentie ‘’dissociée’’. J’ai rebondi sur le mot dissociée ‘’dissociée.. ? qu’as-tu ressenti dans ton corps ?‘’. Elle a alors évoqué ‘’ des tensions au niveau de l’occiput et le reste du corps mou’’ en ajoutant d’un air troublé ‘’c’était curieux’’. Sentant qu’elle avait besoin de parler, je lui ai demandé ‘’curieux comment ? curieux drôle ou curieux un peu inquiétant ?’’.

Elle a acquiescé du regard à ‘’un peu inquiétant’’ et évoqué ‘’des émotions contrastées, certaines agréables et d’autres moins’’. J’ai reformulé en exprimant que ça pouvait effectivement être troublant de vivre des choses contrastées, voire opposées en même temps et je l’ai ‘’félicitée’’ d’avoir trouvé en elle la capacité à accueillir cela puis je l’ai ramenée à son ressenti de l’instant, qui était ok.

Elles ont échangé toutes deux avec une grande proximité et beaucoup d’authenticité, exprimant leur ressenti du manque de contacts affectifs, de sensations tactiles du fait de la distanciation sociale actuelle. J. a aussi partagé qu’elle avait réalisé qu’elle se focalisait souvent sur ce qui n’allait pas et qu’elle tenait à présent un petit carnet de gratitude qui lui permettait de tourner son regard vers les choses positives dans sa vie.

A la fin de séance, Z. qui savait qu’elle ne pourrait pas venir la semaine suivante m’a partagé en ces termes son retour sur l’ensemble des séances qu’elle avait suivies ‘’c’est chouette, j’ai appris à revenir à moi, à prêter attention et à prendre du temps pour moi, avant, dans la vie courante, j’étais à côté de mes sensations, de mes émotions’’. Je l’ai chaleureusement remerciée en lui souhaitant de poursuivre sur cette voie.

Entraînement proposé

Je les ai invitées à entretenir la présence à elles-mêmes durant les heures, jours et semaines à venir en s’appuyant sur toutes les sensations et les expériences bonnes pour elles qu’elles avaient pu faire.

Réflexions

J’ai senti à travers les partages de jour-là qu’il s’était passé quelque chose de fort dans la dynamique de groupe (même en si petit nombre !), que je rapprocherais de cette ‘’rencontre essentielle’’ dont parle Carl Rogers. Et par ailleurs, avec le bilan que Z. a dressé de son parcours, j’ai réalisé combien je pouvais faire confiance à la méthode et à la force d’actualisation des personnes !

Séance 8 : S’ouvrir à la rencontre des autres avec un nouveau regard

En cette fin de cycle, j’avais plusieurs intentionnalités en tête pour cette séance : la consolidation de la présence à soi, l’ouverture à la rencontre de l’autre, dans l’accueil de tout ce qui s’élève en soi, sans attente ni jugement, et au-delà de tout cela, une intentionnalité de liberté, la liberté de s’ouvrir à un nouveau regard. Pour conclure, j’ai choisi la pratique du vieux sage que je trouvais intéressante pour nourrir la capacité d’accueil et d’ouverture à la rencontre, sur le mode de la confiance.

Le groupe

J’ai retrouvé quatre participants déjà connus pour cette dernière séance avec une nouvelle personne, une infirmière qui souhaitait découvrir la pratique. Je me suis surprise moi-même à l’accueillir spontanément dans le groupe en prenant soin de l’inviter à vivre cela comme une expérience, sans pression. Durant tout le déroulement de la séance, j’ai pris soin de rappeler régulièrement pour elle les ‘’fondamentaux’’.

Pratiques

Marche phronique et SDB en plein air (30’) : le temps magnifique qu’il faisait ce jour-là m’a permis d’inviter le groupe à une marche phronique pour aller pratiquer dans le parc. J’ai pris le soin de guider un premier ancrage corporel dans la salle en invitant les participants à rester centrés durant toute cette marche. Une fois installés sur la pelouse, au milieu des arbres et des primevères, nous avons pu prendre nos distances et enlever nos masques, ce qui a bien servi les intentionnalités de liberté et d’ouverture que j’avais en tête en arrivant. J’ai observé avec émerveillement l’émergence de formules symboliques dans mon terpnos logos, telles que ‘’se sentir libéré de son masque’’, ‘’se regarder les uns les autres sans masque’’.

Rencontre avec le vieux sage (30’) : une fois de retour dans la salle, j’ai présenté cette pratique au groupe comme une conclusion symbolique au cycle de séances permettant à chacun de consolider les bénéfices de la pratique tout en se projetant sur la suite de son chemin. J’ai allégé la pratique de la séquence sur les valeurs que je ne trouvais pas forcément adaptée au niveau du groupe.

Phénodescriptions

Suite à l’expérience de la pratique en extérieur, J. a exprimé avoir ressenti ‘’toute la différence de sensation qu’il y a entre le fait de marcher dans l’herbe et celui de marcher sur un chemin balisé, bétonné’’.
Suite à la rencontre avec le vieux sage, ‘’la nouvelle’’ s’est dite ‘’heureuse d’avoir profité de la séance même si au début elle avait eu la sensation de lutter contre ses pensées’’, elle a enchaîné en précisant ‘’mais ça a lâché en marchant sur le chemin, et ça fait du bien.’’ Je l’ai remerciée pour son partage.

Un des participants qui n’était pas venu depuis longtemps et qui s’était souvent endormi pendant les pratiques a partagé en riant qu’il était ‘’heureux d’avoir pu profiter de la pratique en extérieur et aussi d’avoir pu accueillir les moments de somnolence sans se juger’’.

Parmi les nombreux et riches retours d’expérience que les participants m’ont partagé en cette fin de stage, M. a partagé, en guise de conclusion ‘’j’ai trouvé que ces séances aidaient à se sentir plus en paix avec notre corps, à respecter plus nos limites et finalement, c’est bon pour les patients’’.

Entraînement proposé

J’ai invité chacun à continuer à prendre soin de lui en utilisant les clés qui s’étaient révélées bonnes pour lui.

Réflexions

En quittant la salle, j’ai ressenti une profonde gratitude pour toutes ces personnes et pour tous les instants de partage si profondément humains que nous avions vécu ensemble. Ce n’est que quelques temps après que j’ai réalisé que dans ce groupe, il n’y avait plus depuis longtemps ni médecin, ni infirmier, ni cadre de santé, mais seulement des êtres humains, animés par le désir de prendre soin d’eux et des autres.

Réflexion professionnelle sur mon accompagnement et sur la méthode

Se préserver dans la durée quand on exerce une activité professionnelle où l’on donne beaucoup aux autres dans un contexte exigeant en termes de rythme de travail et d’adaptation aux urgences, voilà quelle était la problématique des personnes que j’ai accompagnées. C’est cette même problématique qui s’est imposée dans à moi sur toute la durée du stage, avec la nécessité de m’adapter aux imprévus, retards et absences des uns et autres, dans une configuration de groupe très changeante d’une séance à l’autre.

Que dire des apports de la méthode sophrologique, de la phénoménologie et de la relation d’aide dans ces circonstances ? Que dire des apports de mon accompagnement ? Voici ce que je vais développer à présent en y intégrant une certain regard critique sur ma pratique pour continuer à l’améliorer demain.

Accompagnement phénoménologique

Les circonstances m’ont naturellement amenée à travailler sur ma propre attitude phénoménologique face à la répétition des retards et absences qui faisaient s’élever en moi diverses sensations d’agacement et de doute, sur mon travail, ma personne. C’est l’accueil de tous ces phénomènes en moi, la suspension – l’épochè des jugements qui y étaient associés, puis le pas de côté qui m’ont finalement permis, après une vivance très puissante sur une SDN phénoménologique pratiquée à titre personnel d’adopter un nouveau regard sur les circonstances et les personnes présentes, en les accueillant dans leur réalité objective.

Ce travail a profondément nourri mon accompagnement : il m’a donné une grande confiance dans l’approche phénoménologique et a aussi fait évoluer ma posture, la rendant me semble-t-il plus congruente et plus inspirante pour les personnes du groupe. C’est sur ces bases que j’ai ensuite pu accompagner plus aisément chaque personne dans l’accueil de ce qui semblait compliqué à vivre pour elle. Comment ?
Le plus souvent, en permettant à la personne de mettre ses propres mots sur les phénomènes.

J’ai en effet remarqué comment certaines avaient parfois du mal à décrire ce qui les perturbait et comment quelque chose semblait se relâcher en elles lorsqu’elles parvenaient enfin à l’exprimer clairement, comme si toute l’énergie bloquée autour du phénomène se libérait d’un coup. J’ai accompagné cet ‘’accueil à travers les mots’’ par de simples encouragements : petit ‘’oui.. ?’’ de relance, rebond sur un mot manifestement important pour la personne, reformulation ouverte avec des points de suspension dans la voix…

A d’autres occasions, il m’est arrivé d’inviter gentiment certaines personnes à ne pas se juger, lorsqu’il était manifeste, à travers leurs propos et leurs attitudes que c’était ce qu’elles étaient en train de faire. Cela s’est avéré relativement utile pour ce monsieur qui se jugeait du fait de s’endormir durant les pratiques et qui a pu, lors de la dernière séance, accueillir son sommeil sans se juger. Je sais par expérience qu’il n’est pas facile de suspendre et encore moins de lâcher ses jugements et j’ai remarqué combien de doigté et de subtilité il faut pour inviter les personnes à cela. Je pense que c’est un art auquel je devrai encore beaucoup m’exercer !

Quant au nouveau regard, je n’en reviens toujours pas de la vivance de cette participante qui à la suite de la pratique phénoménologique autour de la vue, a découvert avec stupéfaction cette armoire qu’elle n’avait jamais remarquée dans la pièce. Je dois dire qu’avant de pratiquer la phénoménologie, si quelqu’un m’avait raconté une anecdote pareille, je ne l’aurais jamais cru !

En quoi tout cela a-t-il pu répondre à l’objectif du stage ? Je dirais que l’accueil phénoménologique est un prérequis indispensable pour qui veut prendre soin de soi, et ce d’autant plus que l’environnement est difficile. En effet, sans accueil, sans conscience de ce qui nous entoure, de nos propres limites, comment espérer changer quoi que soit ? comment espérer travailler avec les autres en harmonie ?

Principes fondamentaux

Schéma corporel comme réalité vécue

Ayant expérimenté sur moi-même depuis de longues années, les effets d’une installation profonde et durable dans le ressenti corporel, je me suis appuyée sur mon expérience pour accompagner les personnes dans ce sens en stimulant leurs ressentis par diverses pratiques dans l’immobilité et dans le mouvement, et en invitant leur attention à venir se poser en différents points du corps.
J’ai observé chez plusieurs personnes ayant pratiqué régulièrement qu’elles avaient pu développer une perception de plus en plus fine des expériences vécues à travers leur corps : leurs phénodescriptions, plutôt brèves et centrées sur des sensations corporelles à dominante physique en début d’accompagnement, sont devenues de plus en plus riches et porteuses de ressentis plus subtils tels que la sensation d’enracinement ou de légèreté. La vivance de F. en caressant son chien et ce qu’elle a apporté de changement dans sa posture et sa qualité de présence ont témoigné concrètement pour moi de ce lien naturel entre la sensation corporelle et la conscience et confirmé que le chemin de conquête passe bien par la vivance du corps.
Nul besoin de développer, je pense, en quoi l’ancrage et l’expérience du schéma corporel comme réalité vécue sont essentielles pour des personnes pouvant avoir tendance à repousser les limites de leur corps et à le traiter comme un objet pour tenir bon dans leur activité professionnelle.

Action positive

J’ai travaillé ce principe tout au long du stage, dans mes intentionnalités, mes choix de pratiques et ma façon d’accueillir les phénodescriptions. Je me suis montrée vigilante dans ma façon d’exprimer ce principe, pour ne pas donner à percevoir quoi que ce soit d’un résultat artificiel à atteindre, d’une nouvelle histoire qu’on chercherait à se raconter à soi-même. J’ai simplement pris soin de ramener régulièrement les personnes aux expériences et sensations bonnes pour elles, je les ai accompagnées avec la respiration pour bien engrammer toutes ces sensations et j’ai veillé à reformuler la phénodescription de ces expériences positives de manière à leur permettre de prendre conscience de toutes les ressources et capacités qui étaient les leurs et de la possibilité qu’elles avaient de prendre appui dessus.

J’ai pu en percevoir les bénéfices en termes d’orientation positive de la conscience dans les bilans qu’ont dressé les participantes les plus fidèles et dans leur décision commune de prendre le temps de continuer à pratiquer entre elles un midi par semaine, tout à fait en ligne avec l’objectif initial du stage.

Réalité objective

J’ai parlé un peu plus haut du travail fait sur moi-même pour accueillir le contexte et les personnes dans le sens d’une réalité la plus objective possible. J’ai également veillé chaque semaine à tenir compte de la réalité de mon propre état pour ne pas risquer de la projeter sur les personnes que j’accompagnais. J’en ai mesuré toute l’importance, une première fois lorsque j’ai accompagné le groupe au sortir d’une nuit passée aux urgences avec ma fille et une seconde fois, lorsque j’ai retrouvé le groupe quelques jours à peine après avoir accompagné mon chat chez le vétérinaire pour ces derniers instants. Ces jours-là, j’ai particulièrement veillé à prendre soin de moi et à ne pas me lancer dans des pratiques que je ne maîtrisais pas.

L’application de ce principe aux sophronisants rejoint mon accompagnement phénoménologique et je dirais qu’il leur a souvent permis de reconnaître leur état physique et émotionnel dans l’ici et maintenant et parfois même de prendre un peu de distance, en parvenant par exemple à goûter une certaine forme de détente tout en restant conscients d’un léger mal de tête ou d’une légère tension dans les épaules.
Face à des objectifs de stage qu’au début j’ai pu vivre comme un peu ambitieux dans le contexte difficile de l’hôpital en cette période COVID, le principe de réalité objective était un repère essentiel pour éviter de dériver, d’un côté vers des vues négatives ou défaitistes, et de l’autre vers des vues idéalistes ou utopistes.

Adaptabilité

J’ai déjà évoqué dans la présentation des séances toute l’adaptabilité que j’ai été amenée à développer face aux imprévus : urgences, tempête de vent, intégration de nouvelles participantes lors des séances 5 et 8. Concernant l’adaptabilité des sophronisants, j’ai veillé à leur laisser la liberté de s’adapter aux techniques proposées, particulièrement dans les respirations et les pratiques corporelles où je les invitais régulièrement à être à l’écoute de leurs capacités et à ne rien forcer. J’ai observé à leur expression corporelle combien ces messages permettaient à certaines personnes de se relâcher, dans ces instants fréquents lors des premières séances, où, je les voyais s’appliquer à essayer de reproduire fidèlement mes propres gestes.

Ce principe aura vraiment été au cœur de mon stage, du début à la fin, et ce n’est pas surprenant car au fond, il était pour moi au cœur de la problématique même du groupe et des personnes accompagnées.

Vivance phronique et répétition vivantielle

Juste un petit clin d’œil à ces deux lois essentielles dont j’ai trouvé la plus belle expression à travers la vivance de F. avec son chien et le retour d’expérience de M. sur l’entraînement de son geste signal.

Ecoute, approche rogérienne et alliance

Ecoute

Le stage m’aura beaucoup fait progresser en termes d’écoute, non seulement dans ma posture que je perçois aujourd’hui comme bien plus ouverte à l’accueil de la parole de l’autre, ce dont je constate même les effets bénéfiques dans mes relations familiales. J’ai le sentiment d’être passée d’une écoute intellectuelle, focalisée sur le sens des mots à une écoute plus large et globale de la personne, une écoute au-delà des mots, à laquelle je parviens beaucoup plus facilement lorsque je suis ancrée dans un ressenti profond de moi-même et de mon axe vertébral.

Cette qualité d’écoute s’est révélée précieuse pour accueillir certaines phénodescriptions douloureuses pour les personnes, comme celles des participantes qui disaient se sentir dissociées et dont je percevais l’anxiété devant des sensations corporelles échappant à leur contrôle.

Approche rogérienne

La force d’actualisation est devenue quelque chose de palpable pour moi à travers l’expérience de F. qui a commencé les séances fatiguée, anxieuse, se relevant difficilement de la COVID. J’ai vu cette force d’actualisation se réveiller en elle sous l’effet de ses vivances et avec le soutien de mon regard positif qu’elle cherchait beaucoup au début puis dont elle s’est complètement affranchie sur les dernières séances.

J’ai pour autant bien conscience de plusieurs moments où je n’étais pas dans ce regard positif inconditionnel ni dans la congruence. En les revisitant, j’ai pu identifier quelques ressentis caractéristiques : sensation de léger malaise, dissonance, perception d’une vibration qui sonne comme une fausse note intérieure. Ces ressentis me serviront de signaux repères pour recourir à la supervision, dont j’ai expérimenté toute l’utilité.

J’ai également éprouvé les limites de ma compréhension empathique, particulièrement en début du stage, face aux remarques de certains cadres à l’égard des médecins. Accueillir ces limites et les jugements qui les sous-tendaient, en faire l’épochè, les mettre de côté et cultiver le nouveau regard, voilà ce à quoi je me suis appliquée.

Enfin, consciente des tendances perfectionnistes et intellectualisantes qui peuvent quelquefois m’animer, je me suis noté de veiller à accueillir mes jugements autocritiques avec le plus de bienveillance et d’attitude phénoménologique possible pour ne pas desservir l’alliance. Quelle possibilité de congruence en effet si je me laisse happer dans une spirale de dévalorisation personnelle ? Quelle possibilité d’accueil inconditionnel des autres si toute mon énergie est tournée vers la gestion de mes problématiques internes ?

Alliance

J’ai tâtonné quelques temps avant de trouver une posture juste, favorable à l’alliance et de m’y sentir à l’aise. J’ai navigué au début entre les postures d’animateur, formateur, sophrologue débutant, que je vivais de l’extérieur, avec l’attente que le groupe me confirme dans mon rôle.

Comme j’en ai déjà témoigné précédemment, j’ai assez vite repéré les instants où je basculais dans une relation sachant / saché et pris soin de réajuster ma posture sur ce point. La prise de conscience concernant ma posture de sauveur a été plus difficile et douloureuse à vivre car j’ai clairement perçu qu’elle était liée à l’impuissance que j’avais ressentie enfant face à la souffrance que je percevais chez mon père lors de ses épisodes de stress et d’épuisement, et aussi aux frustrations que j’avais pu ressentir chaque fois que le téléphone avait sonné au mauvais moment, l’obligeant à quitter le repas familial pour partir en urgence.

Cela m’a ouvert les yeux sur toutes ces attentes inconscientes que je pouvais avoir pour les autres et sur le risque de ne pas aller à la rencontre des personnes dans leur réalité objective de l’instant en plaquant sur elles quelque chose qui ne leur appartenait pas en les privant de toute possibilité de se sentir accompagnées sur leur propre chemin. Je mesure encore aujourd’hui combien c’est difficile de ne pas avoir d’attentes pour l’autre et combien ça demande de vigilance et d’attention pour s’établir et se maintenir une posture juste.

J’ai eu le sentiment lors des dernières séances que l’alliance s’était installée en constatant comment chacun commençait naturellement à s’ouvrir et à se sentir libre d’être lui-même, non seulement avec moi, mais aussi dans les relations interpersonnelles au sein du groupe. J’ai également eu le sentiment que grâce à cette alliance, cette relation collective suffisamment bonne, il avait pu se manifester cette ‘’rencontre essentielle’’ dont parle Carl Rogers, que j’ai déjà évoquée dans la présentation de la séance 7.

Toute cette dynamique d’accompagnement sophrologique en groupe, malgré le fait qu’elle ait été un peu décousue de par les circonstances, a beaucoup servi les objectifs du stage. Elle a permis, dans ce contexte de relations de travail si conditionnées, de dépasser les résistances initiales et les réserves de chacun à se dévoiler, pour finalement permettre à chacun d’aller peut-être un peu plus loin que là il ne serait allé seul.

Techniques intra-sophroniques et orientations phénoménologiques

J’ai perçu sur l’ensemble du stage que les techniques sophrologiques peuvent porter leurs fruits à différents niveaux selon l’intentionnalité que l’on y met en tant que sophrologue et selon ce que chaque sophronisant en vit et en retire personnellement, du fait notamment de l’entraînement qu’il met ou non en place.

D’un point de vue pratique, je dirais que l’IRTER, les TCA et le geste ancrage sont les techniques qui semblent avoir apporté la réponse la plus pratique et la plus immédiate aux personnes dans leur vie courante.

Pour le reste, j’ai vraiment réalisé que la technique seule n’est rien sans l’intentionnalité, sans le sens qu’on choisit de lui donner, dans lequel on l’oriente, sans la manière subtile dont on la guide, la qualité de présence et de conscience avec laquelle on l’accompagne. Mes erreurs du début qui m’ont fait confondre intentionnalité et intention, m’ont permis de sentir comment le fait de poser une intentionnalité du seul point de vue mental peut laisser diffuser quelque chose de l’ordre d’un certain résultat à atteindre, privant la personne du temps et de l’espace dont elle a besoin sur le chemin d’éveil de sa conscience.

J’ai finalement pu percevoir que, dès lors que l’intentionnalité est claire, quelque chose s’aligne dans les discours pré et post sophroniques, dans le terpnos logos jusqu’à la façon d’accueillir et de reformuler les phénodescriptions, et qu’alors la technique devient un simple outil au service de l’intentionnalité.

Conclusion

Ce stage m’aura permis de prendre confiance, confiance en moi, confiance en l’autre, confiance en l’efficacité de la méthode et en la force d’actualisation des personnes.
J’ai réalisé que dans la relation d’aide, il n’y a rien à transmettre, aucune prise de conscience à suggérer, aucun objectif à avoir pour quiconque. J’ai appris à accueillir le fait que l’autre puisse ne pas avoir forcément besoin de ce que j’ai envie de lui apporter ou bien ne pas être en mesure de le recevoir à cet instant, appris à accepter finalement que chacun fait ses propres expériences et suit son propre chemin.

J’ai également vécu comment le groupe peut devenir le lieu privilégié de beaux instants de rencontre et de partage entre humains, offrant à chacun à la possibilité de se découvrir davantage en tant que personne et de vivre la liberté d’être vraiment lui-même.

Mon expérience aura donné corps à tous les concepts travaillés en formation et je porte aujourd’hui un nouveau regard sur la sophrologie et sur le métier de sophrologue, au cœur duquel je perçois toute la subtile alchimie des ingrédients.

Je suis convaincue qu’avant tout, c’est ma propre qualité de présence et de conscience qui sera au cœur de mon travail demain et qu’il s’agira de continuer à nourrir, en prenant soin des graines phénoménologiques et sophrologiques déposées en moi durant toute la formation, pour qu’elles puissent fleurir et porter leurs fruits, en diffusant dans mes futurs accompagnements.

Projet d’installation

Encore salariée à l’heure où j’écris ces lignes, je me prépare à quitter l’entreprise plus tôt que prévu, en raison de restructurations récentes et de modes de fonctionnement bien trop éloignés de mes valeurs.
Je prévois de m’installer sur ma ville, Fontenay sous bois en proposant des séances individuelles et des interventions collectives au sein de structures.

Pour limiter les charges la première année, je compte surtout exercer à domicile et à distance, en louant ponctuellement des salles de consultation dans un espace de santé voisin. Je projette d’ouvrir par la suite mon propre espace de consultation dans un bâtiment annexe à mon domicile pour y accueillir les séances individuelles mais y organiser des ateliers de ‘’sophrogym’’, pour rendre la sophrologie accessible au plus grand nombre et répondre aux besoins d’activité et de contacts qui ne manqueront pas de s’exprimer au sortir de la période de crise sanitaire.

Bibliographie et sources

  • ANZIEU Didier, MARTIN Jacques-Yves, La dynamique des groupes restreints, Presses Universitaires de France, 1968
  • AUDOUIN Luc, La sophrologie, une invitation au mieux-être, Almora, 2018
  • BONNASSE Pierre, Le pouvoir de l’attention, exercices de sophrologie pour la vie quotidienne, Médicis, 2009
  • BONNASSE Pierre, L’attitude phénoménologique, Eoliennes, 2011
  • CHENE Patrick-André, Sophrologie Tome 1, Fondements et méthodologie, 5ème édition, Elébore, 2019
  • DUCROCQ Anne, L’art de faire la paix au quotidien, Marabout / Hachette Livre 2010
  • ESPOSITO Richard, Guide de sophrologie appliquée, Elsevier Masson, 2017
  • ESPOSITO Richard, Sophrologie, lexique des concepts, techniques et champs d’application, Elsevier Masson, 2010
  • KABAT-ZINN Jon, L’éveil des sens, vivre l’instant présent grâce à la pleine conscience, Les Arènes, 2009
  • PAIRE Yvonne, Ouf ! Je respire …, 65 exercices pour souffler enfin !, Fleurus Editions, 2012
  • PECOLLO Jean-Yves, La sophrologie au quotidien, Une médecine douce pour retrouver équilibre et sérénité, Editions du Rocher, 1994
  • PETITCOLLIN Christel, Savoir écouter, ça s’apprend, techniques simples et concrètes pour bien communiquer, Jouvence, 2012
  • ROGERS Carl, La relation d’aide et la psychothérapie, ESF, 1970
  • ROGERS Carl, Les groupes de rencontre, animation et conduite de groupes, Interéditions, 2006

Articles du site de l’ESSA

REMERCIEMENTS

A Sofian, Nil, Sacha et Anna,

pour leur patience et leur compréhension dans les moments difficiles, pour toutes leurs remarques enrichissantes, pour l’humour et l’amour partagés, sans lesquels rien ne serait possible …

Avec

un immense merci à tous les enseignants de l’ESSA pour la transmission, riche, précieuse et généreuse, de leur savoir, leur savoir-faire et surtout leur savoir-être qui sont autant de bonnes graines à laisser germer dans mon jardin de sophrologue en devenir…

une profonde gratitude envers celles et ceux qui m’ont fait confiance, Keren Sarah pour m’avoir soutenu dans ma recherche de stage, et toute l’équipe des Tilleuls pour m’avoir ouvert ses portes et aussi parfois son cœur.

une infinie reconnaissance à Hélène et Sandrine pour m’accompagner comme elles le font depuis toutes ces années

et enfin, une pensée toute particulière pour mes parents, à qui j’aurais tant aimé pouvoir raconter cette aventure…

Auteur : Sandra SKANDRANI

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