Le mécanisme de l’emprise dans la relation abuseurs-abusés.

La conférence de J. F. Fortuna, directeur de l’École Alsacienne de Sophrologie, s’adresse à tous les sophrologues qui, un jour, rencontreront une personne victime d’une relation d’abuseur-abusé, sous l’emprise d’un manipulateur pervers ou d’un pervers narcissique (pathologie qui ne figure pas dans le DSM IV, manuel des classifications internationales des troubles mentaux). Il décrit avec justesse l’ensorcellement que subissent les victimes, cette dynamique de l’emprise qui se fait à travers trois pratiques relationnelles :

L’effraction qui consiste à s’installer dans le territoire de la proie. Le sujet n’est plus alors propriétaire de son propre corps et de son esprit, il n’en a plus la libre disponibilité mais il est sous la domination d’un «autre», étranger, qui pourtant agit à l’intérieur de sa personne.

La captation : une captation sensitive et sensorielle que la raison de l’être dépossédé ne saisit pas, il est comme envouté. La personne manipulée par la parole, notamment en utilisant le registre émotionnel, le biais cognitif et le conditionnement, ne vit pas cette manipulation comme une agression. Le bain de paroles agissant sur l’endormissement du sens critique plonge ces gens dans une véritable transe car les victimes ne sont pas conscientes de ce qui se passe. Et toute la difficulté est là : discerner le faux du vrai.

La programmation qui vise à dresser la personne, à lui apprendre à ne pas sortir, même avec la porte ouverte, et à devenir volontairement captive elle est ligotée psychologiquement.

Le sophrologue doit libérer de l’emprise psychologique de l’agresseur

Notre rôle en tant que sophrologue est d’aider la personne à retrouver sa liberté et sa dignité tout en étant acteur responsable car la blessure narcissique rend négative la représentation que les victimes ont d’elles-mêmes. L’emprise ne cesse que lorsque la victime réalise qu’elle peut retirer le pouvoir qu’elle avait consenti malgré elle à l’abuseur-agresseur. J.-F. Fortuna cite plusieurs étapes nécessaires pour que la victime puisse parvenir à retrouver sa dignité. Je retiendrai surtout la 1ère: « En permettant à la victime de passer de la place « d’objet » à la place de sujet, elle peut devenir un observateur de son agresseur, reprendre de la distance et des initiatives ».

Et je me permets de vous livrer mon expérience professionnelle pour rebondir sur cette 1ère étape. Le sophrologue, durant le temps de l’espace pré-sophronique, dans sa présence phénoménologique, empathique et sa disponibilité saura écouter, accueillir, aider la personne par la reformulation de ses propos. La victime pourra s’entendre elle-même comme sujet pouvant être entendu et ainsi considérer sa souffrance et ce qu’elle vit, porter une attention à ce qu’elle dit non pas comme la victime « cet objet de manipulation » qui subit sans y voir clair mais comme un sujet qui s’écoute dans une véritable attention et un regard éclairé…

Par les séances de sophrologie et déjà à travers la SDB, la personne va retrouver cette vie qui est en elle, retrouver cette « flamme volée » et par cette attitude phénoménologique se libérer de tout jugement sur elle-même et se retrouver.

Notre terpnos logos se doit d’être épuré de toute directivité de manière à ce que la personne ne se retrouve pas sous l’emprise du sophrologue et ainsi l’aider à retrouver son autonomie, à ouvrir sa conscience à la perception d’elle-même, à se redécouvrir à son rythme. Le travail avec l’objet est pertinent dans cette prise en charge. À travers la noèse et la noème dont l’objet ramène à la vivance.

La personne devient ce sujet qui observe avec son propre regard, elle fait l’expérience de saisir ce qui se présente avec ses propres sens, elle retrouve cette vivance sensorielle qui lui est propre et intime. C’est la vivance d’une rencontre authentique, saine, sans ambiguïté qui tapisse et nourrit toute sa conscience dans l’intégrité de l’instant. L’authenticité d’une relation retrouvée.

La personne retrouve sa capacité psychique à voir, vivre et ressentir les choses telles qu’elles sont avec son propre matériel sensoriel, dans une alliance corps et psyché en toute liberté, extirpée du tourbillon perpétuel du clivage et de la confusion. La personne apprendra par cette séance répétée à faire le choix de son positionnement par rapport à l’objet, elle pourra le mettre à distance, s’en approcher, s’en imprégner, s’en détacher… elle devient le sujet vivant de la relation qu’elle instaure à cet autre.

Libérée de cet assujettissement elle fera l’expérience de ce jeu avec l’objet qui lui permettra de vivre ce « je » oublié, brisé, dénigré et anémié par ce prédateur moral dont elle a fait l’objet ! La pratique de la RDC2 permet à la personne d’exister dans son regard lors de la substitution objet/sujet, un regard bienveillant libéré de tout jugement, d’a priori, libéré de l’emprise et de la dépendance du regard de l’autre. Elle retrouvera également dans cette pratique, sa chair, ses muscles, le mouvement libérateur.

En savoir plus : Le nouvel observateur du 19-25 janvier 2012 « les manipulateurs de l’amour »; Marie-France HIRIGOYEN, La violence perverse au quotidien ; les actes de ce 44è congrès, publiés chez L’Harmattan, seront disponibles prochainement auprès du secrétariat de la SFS.

A lire : Vaincre le harcèlement moral par la Sophrologie 

Auteur : Anne Almqvist