« Tout fait l’objet d’inquiétudes », me dit Caroline adressée par son médecin homéopathe pour un stress récurrent qui se manifeste par des tensions musculaires, des troubles dysfonctionnels digestifs, des douleurs musculaires et un mal être.

Elle décrit 32 ans d’anxiété ; « j’imagine qu’on ne change pas comme ça ! ». Ses dires témoignent d’une identification à l’anxiété. Il n’est pas question de changer la personne par la sophrologie mais plutôt de l’aider progressivement par la méthode, à changer son mode de relation aux évènements, aux situations et à ses pensées anxiogènes. Effectivement cela suppose un entrainement phénoménologique que je lui propose par la sophrologie à travers des séances régulières au cabinet et un entrainement personnel répété et quotidien.

Ce qui répond à la loi de la répétition vivantielle précieuse au Professeur Caycédo et à tout être humain d’ailleurs.

Modalités d’utilisation de la sophrologie pour gérer les problèmes d’anxiété

La 1ère séance va porter sur la respiration abdominale dont l’objectif ira bien au-delà de la détente musculaire et abdominale bien que nécessaire au processus. D’ores et déjà, je vais aider la personne à porter toute son attention sur sa respiration afin que l’espace de quelques instants son attention se focalise sur des sensations respiratoires plutôt que sur ses pensées. Une attention sans jugement, sans mesure ni comparaison, une saisie pure de la respiration de l’instant dans une démarche phénoménologique. Un instant de rencontre simple, un instant de partage avec la respiration, comme une 1ère rencontre avec celle-ci. L’anxiété et la peur psychologique que décrit la personne, n’a rien à voir avec la peur ressentie face à un danger concret, réel et immédiat… ce type de peur qui se traduit par de l’anxiété, des tensions, des inquiétudes, est le fruit d’une production psychique et concerne ce qui pourrait survenir et non pas ce qui est en train de se passer.

Lors de la séance, la respiration devient alors l’objet immédiat de l’attention, qu’elle soit calme et paisible, mouvementée ou agitée, je lui propose juste d’accueillir ce qui est et de vivre cette respiration quelle qu’elle soit. Une parenthèse dans le rapport habituel qu’elle a de l’instant. Dans son mode de relation bien ancré, la personne me fera part de ses pensées qui s’imposent à elle pendant cette séance de respiration et, la peur de ne pas y arriver s’exprime. Quoi de plus normal ?

Etre ici, là et maintenant ne demande pas d’arriver à un but, mais d’être juste là… tout un apprentissage qui ne se fait pas en une séance. Je lui propose donc d’accueillir ce qu’elle me dit de ses pensées, dans cette même attitude phénoménologique, sans apriori, sans jugement, comme un phénomène qui lui apparaît. Le mental a répondu à cette forte et puissante loi de la répétition vivantielle instaurée depuis tant d’années chez cette personne, ses pensées s’imposent à elle et contrôlent ses réactions.

La Sophronisation de Base et les techniques clés permettront de la même manière à entraîner l’attention à la vivance du corps là, ici et maintenant et à établir une relation à soi sans jugement. Le corps tout entier devenant l’objet pur de l’attention. L’ »objet » n’est pas à prendre au 1er degré dans le sens d’une chose mais dans le sens de la visée par la conscience de l’apparaître d’un phénomène. Comme le rappelle Gérard Thouraille, le phénomène n’est pas simplement la chose, l’objet mental, l’objet concret… peu importe la nature de l’objet. Le phénomène est l’ensemble, la corrélation entre l’acte subjectif qui saisi la chose dans la perception, dans les émotions, dans le vécu corporel et la chose elle-même.

Les pré-jugés de l’attitude naturelle nous empêchent de voir la réalité telle qu’elle se montre telle qu’elle apparait et la phénoménologie va rétablir la continuité entre l’objet et le sujet, en mettant entre parenthèse les pré-jugés. Ainsi, nos champs sensoriels se déploient et nous permettent d’établir une autre relation aux choses. Une démarche profondément existentielle.

La technique de Sophro Présence Immédiate (SPI) permettra d’entrainer la conscience à s’attarder sur des moments, des personnes et des lieux positifs dans une présence positive de l’instant afin de développer cette ouverture de conscience et de l’entraîner à saisir et à ruminer des éléments positifs. Il s’agit de d’adopter un regard positif, une attitude et un accueil positif à ce qui se présente au quotidien.

Depuis que je fais ces séances, je me surprends parfois, au court de la journée, à regarder des choses simples avec émerveillement

Vous êtes donc entrain de me dire que vous vous rendez compte que votre mental s’attarde sur ce qui est ?

Oui, sur des petites choses de la vie qui me paraissent essentielles alors que je les banalisais ou ne les voyais pas !

Comme l’explique Eckhart Tolle dans son ouvrage « Le pouvoir du moment présent » :

Quand vous observez une pensée, vous êtes non seulement conscient de celle-ci, mais aussi de vous-même en tant que témoin de la pensée. Pendant que vous observez cette pensée, vous sentez pour ainsi dire, une présence… ceci est le début de la fin de la pensée involontaire et compulsive…

«Et c’est comme si d’un seul coup ma vie scintillait…  j’adore, ça fait trop du bien !!!» me dit-elle. Toujours en référence à Eckhart Tolle, lorsqu’une pensée s’efface il se produit un intervalle de « non-mental ». Au début, ces hiatus sont courts, mais ils deviendront peu à peu de plus en plus longs. Lorsque ces décalages dans la pensée se produisent, vous ressentez un certain calme, une certaine paix… Une parenthèse dans sa manière d’être au monde, d’être à soi, ce « moi » de l’instant se pose dans la vie qu’il saisi et se laisse saisir par la vie… l’ébauche du sentiment existentiel.

Les séances suivantes porteront sur un entrainement à la manière d’être aux situations que la personne investie habituellement dans la peur des maux de ventre, de vertiges… mais là encore, mon objectif portera sur un entrainement de la conscience à porter un regard neutre sur un objet que je propose, à la personne, de laisser venir dans son champs de conscience, quel qu’il soit.

Ce qui importe est le positionnement psychique face à l’apparaître de l’objet. Je lui propose de saisir l’objet mentalement, sans jugement, sans mesure, sans apriori et sans évaluation du bien du mal, du beau du laid, du pourquoi… sans questionnement, une attitude mentale neutre, une posture psychique contemplative de l’objet, une saisie pure avec un regard curieux comme si cet objet apparaissait à sa conscience pour la 1ère fois, avec une présence et un rapport à l’objet sans routine. « La forme de l’objet, sa matière, ses contours, sa densité, sa présence, peut-être son parfum, ses détails, ses couleurs, peut-être sa température… ». C’est l’objet de l’instant qui se donne dans sa singularité du moment. Il nait dans la conscience et c’est la conscience naissante de l’instant qui fait relation à l’objet.

« C’est pas simple, je n’y arrive pas complètement, mes pensées font irruptions ou plutôt je pars dans mes pensées » me dit-elle après la séance. Alors j’accueille et j’accepte avec bienveillance ses paroles comme un phénomène, comme l’objet de notre relation et je demande à la personne d’en faire de même dans l’instant. « Acceptez, sans vous juger et, lors de vos entraînements personnels, ce soir ou demain, vous pourrez peut-être accueillir vos pensées qui se présenteront et les accepter pour pouvoir de nouveau retrouver la contemplation de l’objet ».

Lors de la prochaine séance la personne me fait par de ses entraînements personnels :

Je me suis entraînée à vivre l’objet et parfois je le voyais sans rien autour, il était juste pour ce qu’il est, retiré de tout ce que ma pensée peut tisser autour… Je n’intellectualisais pas l’objet, je ne l’analysais pas, je le vivais tel qu’il était. Je sentais mon mental se poser sur l’objet et se mettre au repos. L’objet n’est pas le fruit de ce que je pense de l’objet, il est l’objet

La personne me fait part du fait qu’elle se rend compte qu’elle créée d’elle-même des situations qui deviennent l’objet de ses peurs. Alors j’ai choisi de poursuivre mon accompagnement par des séances de Relaxation Dynamique du 1er degré, des séances de « présentation » ou nous développerons la conscience de soi, là, ici et maintenant.

Plus tard, lors des prochaines séances, nous irons faire relation avec l’objet de ses peurs, dans cette même attitude phénoménologique de manière à ce que, progressivement, elle puisse accueillir tranquillement ses inquiétudes, les observer pour les dépasser, ne plus s’identifier à ses peurs mais en être le témoin tranquille. Et je reprends un passage de la conférence du Dr Gilles Pentecôtes (congrès de sophrologie 2014 organisé par la SFS sur le thème des émotions), les approches de sophrologie et de mindfulness nous invitent à accueillir les « expériences » en repérant puis en nous libérant du phénomène de jugement automatique qui dichotomise en « bon » et « mauvais », « attachant » et « aversif »… et il rappelle les paroles de TICH NHAT HANH :

la méditation n’est pas une évasion : c’est une rencontre sereine avec la réalité

Auteur : Anne Almqvist