Le surpoids est un problème de santé publique majeur, responsable d’une morbidité et d’une mortalité importante, et d’un coût social qui devient de plus en plus préoccupant. La prise en charge du surpoids s’est heurtée à de très nombreuses déconvenues :

Au plan pharmacologique

Plusieurs médicaments se sont révélés présenter des effets secondaires parfois graves. Les traitements actuels, y compris en phytothérapie, sont d’une efficacité très modeste et seulement à court terme : la reprise du poids antérieur est quasiment la règle après l’arrêt du traitement.

Les régimes alimentaires

Si la plupart des régimes sont efficaces à court et moyen terme – le taux de réussite est de 75% de bons résultats à un an, la reprise du poids antérieur s’effectue tout aussi régulièrement après l’arrêt de la restriction calorique, dans 80 à 90% des cas en 3 à 5 ans. Les régimes ne sont en fait efficaces à long terme que dans quelques cas particuliers : après une grossesse, après une forte prise de poids faisant suite au sevrage tabagique, et dans les cas où il existe de véritables erreurs nutritionnelles modifiables sans gros effort. Le régime hyperprotéiné actuellement à la mode semble plus efficace à long terme du fait que la période de stabilisation est bien expliquée. Cependant, si on peut estimer son coût écologique, on ignore encore s’il présente des effets secondaires sur la santé.

Les pratiques chirurgicales

Ce sont les moyens les plus efficaces, mais qui présentent des indications strictes, des contre-indications et des effets secondaires notables. Ces interventions ne peuvent se concevoir que si l’IMC (ou Indice de Masse Corporelle, est égal au poids divisé par le carré de la taille) est supérieur à 40, ou bien supérieur à 35 avec des indications médicales solides : hypertension mal contrôlée, arthrose évolutive des membres inférieurs, syndrome d’apnée du sommeil, diabète, etc. Parmi les diverses possibilités, citons l’anneau gastrique, le court-circuit gastrique (by pass), et de moindre ambition : la lipectomie et la liposuccion.

Nouvelles approches

Dans le cadre de ces désillusions, de plus en plus de nutritionnistes et de diététiciens se rendent compte de l’importance fondamentale de l’accompagnement psychologique, qui se rapproche de celui des personnes présentant des troubles du comportement alimentaire (boulimie, compulsions, restriction cognitive). Les études effectuées montrent une réelle efficacité de cet accompagnement, même si elle reste modeste. Dans ce cadre, l’approche psycho-sensorielle semble se démarquer positivement et peut se conjuguer avec les pratiques sophrologiques.

Le « set point »

Ce « set point » est le poids d’équilibre vers lequel l’organisme revient spontanément après une perte ou un gain inhabituel. Les problèmes de surpoids surviennent sur un terrain propice, associant un déséquilibre neuro-hormonal, sensoriel et psychologique, ce qui a pour tendance d’élever le set point.

Notions d’instinctologie : le modèle bio-psychosensoriel de l’alimentation

Cette approche explique que nous possédons tous une intuition alimentaire nous permettant d’ajuster spontanément notre consommation d’aliments à notre dépense énergétique, de façon à nous maintenir à notre poids d’équilibre. Cette intuition alimentaire est basée sur les sensations alimentaires : la faim, la satiété et le plaisir gustatif. Dans ce cadre, le surpoids et les troubles du comportement alimentaire vont apparaître chez des sujets présentant des difficultés d’origine psychosensorielle avec disparition des sensations alimentaires, diminution de la sensation de satiété, augmentation et/ou intolérance à la sensation d’envie de manger ou de faim. Ces altérations font le plus souvent suite à des difficultés plus purement psychologiques, telles que – notamment – la restriction cognitive, la peur de la faim, une hyperperméabilité au stress, des difficultés à exprimer ses émotions, le « trouble du réconfort » et une atteinte du schéma corporel, voire de l’estime de soi.

La restriction cognitive

Cette notion a été élaborée au Canada dans les années 1970 par Mr C. P. Herman et Mr D. Mack, qui l’ont définie comme « une façon de considérer les aliments, adoptée dans le but de réduire ses apports caloriques ».

Les autres façons de considérer les aliments ne font plus partie de l’univers des personnes en restriction cognitive : ainsi, l’alimentation n’est plus « ce qui est nécessaire pour vivre», ni « un ciment social qui réunit les gens », et surtout pas « une source de plaisir » … Elle est devenue une substance qui contient plus ou moins de calories, de lipides, de glucides, avec des bons aliments et des néfastes, et qu’on redoute tout en la désirant… La restriction cognitive induit deux types de comportements vis-à-vis de la nourriture : un état d’hypercontrôle alternant avec un état de perte de contrôle. Dans l’état d’hypercontrôle, la personne effectue un régime amaigrissant : elle maîtrise son comportement en inhibant ses sensations alimentaires. Dans l’état de perte de contrôle, la personne va présenter des épisodes de boulimie et/ou des compulsions alimentaires.

La peur de la sensation de faim

Dans cette situation, certaines personnes mangent d’avance pour plusieurs raisons :

  • Elles ont peur que la faim ne les fasse craquer, et qu’elles ne puissent alors plus se contrôler,
  • Elles ont peur d’avoir un malaise « hypoglycémique »,
  • Ou tout simplement parce qu’elles ne supportent pas la sensation d’avoir faim.

Ainsi, le mangeur restreint redoute d’avoir faim : le régime a fait de la faim son ennemi.

Une hyperperméabilité au stress et aux émotions

Cette perméabilité émotionnelle est aussi associée à une alexithymie, qui est la difficulté à ressentir et/ou à exprimer ses émotions.

Le trouble du réconfort

Cette fragilité est ici associée à une tendance à se réconforter avec la nourriture, tendance malheureusement inefficace, ce que J. Ph. Zermatti a appelé le « trouble du réconfort » : ce trouble consiste en une incapacité à se réconforter avec la nourriture, qui vient notamment du fait d’une absence de conscience lors de la prise alimentaire, associée à une culpabilité.

Il se traduit aussi souvent dans d’autres domaines de la vie à travers des difficultés à s’autoriser à se faire du bien à différents niveaux, par exemple à recevoir des compliments.

On parle aussi d’un déséquilibre de la balance donner / recevoir, concept selon lequel nous recherchons inconsciemment un équilibre entre ce que nous estimons donner à autrui et ce que nous estimons en recevoir. Des difficultés d’estime de soi, de la vision de soi et de son schéma corporel. Ces difficultés sont à la fois cause et conséquence des troubles du comportement alimentaire. Et elles ont un partenaire terrible : la balance.

La sophrologie est-elle une solution au problèmes de surpoids ou d’obésité ?

Dans ce cadre, comment peut-on accompagner au mieux une personne souhaitant modifier son rapport à l’alimentation en vue d’un objectif de réduction pondérale ?

Mise en place d’une bonne motivation

Comme dans tout changement de comportement, un travail préalable sur la motivation est essentiel. Il peut s’effectuer simplement lors de l’entretien, mais peut aussi être ancré plus profondément dans le ressenti corporel et émotionnel grâce à une SAP. Les objectifs les plus souvent rencontrés sont : retrouver une meilleure condition physique, une meilleure vie sexuelle, avoir un enfant dans de meilleures conditions, pouvoir s’habiller plus facilement, prendre moins de médicaments, se libérer de ses pulsions alimentaires, se sentir plus à l’aise en société, se sentir plus léger(e), attirer les regards des hommes (ou des femmes), avoir une meilleure image de soi-même… Grâce à l’activation intra-sophronique, l’objectif sera ressenti globalement dans le corps et dans le cœur. Aussi, l’intensité du désir sera plus intense que s’il était simplement et froidement réfléchi.

Reprenons une par une les difficultés vues préalablement : l’altération des sensations alimentaires.

Grâce à un travail sur le schéma corporel au niveau abdominal effectué après manger, on va s’attacher à retrouver la sensation de satiété. Avec des exercices de visualisation, on va chercher à reprendre conscience de la différence entre la sensation d’envie de manger et la véritable faim. La redécouverte du plaisir gustatif et de l’intuition alimentaire peut se pratiquer grâce à des exercices de conscientisation des goûts, l’objectif étant de devenir gourmet plus que gourmand, et de développer son intuition alimentaire.

Exercice sur l’intuition alimentaire

Maintenant que vous êtes assis là en train de lire, prenez quelques secondes en fermant les yeux et en faisant passer dans votre esprit l’image sensorielle des aliments suivants : croissant – carottes râpées – pizza – compote de pommes – yaourt – fromage de chèvre – salade verte – poulet – glace – etc. Retrouvez pour chacun d’eux le souvenir de leur goût, et essayez d’imaginer si vous auriez envie d’en manger actuellement. Ou plutôt, si vous sentez que ces aliments seraient agréables en bouche et qu’ils vous feraient du bien, juste maintenant.

La restriction cognitive

Dans ce cadre, l’objectif est de se libérer du carcan des « il faut que ». De très nombreuses études ont clairement démontré que manger moins sucré, ou moins gras, au petit déjeuner ou pas, avec ou sans édulcorants, etc. est inefficace sur le contrôle pondéral. En fait, aucune règle alimentaire n’a pu faire la preuve de son efficacité. L’objectif est simplissime : pouvoir à nouveau et librement manger ce qui nous attire, quand on a faim, et savoir arrêter de manger quand on n’a plus faim. Simplissime, mais pas si facile à atteindre quand mange autrement depuis des années …

La peur de la sensation de faim

La faim est devenue insupportable dans cette société où tout désir peut être comblé à tout moment. Pacifier avec la sensation de faim est un objectif délicat : il sera par exemple contre-indiqué chez les personnes à tendance anorexique. Il ne s’agit surtout pas de contrôler la faim avec la volonté, mais d’en accepter totalement les sensations, de l’accueillir comme une amie. Un travail sophrologique pourra être effectué dans ce sens, qui sera conduit au mieux le ventre vide, et se décliner ensuite sous forme de sophro correction sérielle.

La faim n’est pas une ennemie contre laquelle nous devons lutter, mais peut aussi être considérée comme porteuse de bonne nouvelle : quand on a faim, c’est qu’on maigrit !

Nous pouvons donc apprendre à vivre cette sensation en l’associant à nos objectifs.

Une hyperperméabilité au stress et aux émotions

Dans ce cadre, c’est toute la gestion du stress qui est à considérer, domaine que le sophrologue manie bien. On peut insister sur la sophro correction existentielle des situations stressantes qui ont tendance à faire manger. Pour commencer, on va faire la liste des situations – pièges, par exemple : lors des pauses café, quand on rentre dans sa voiture, après avoir téléphoné, en regardant le frigidaire, en s’asseyant dans son canapé, en regardant la télévision, en rencontrant tel(le) ami(e), en faisant des courses, quand les enfants prennent leur goûter, quand on prépare à manger, avant de se coucher ou même quand on se lève la nuit. En visualisant ces situations en activation intra-sophronique, nous allons pouvoir laisser imaginer des comportements alternatifs qui n’apparaissent pas spontanément. La prise en charge de l’alexithymie pourra se réaliser parallèlement, mais nous n’avons pas la place pour la détailler ici.

Le trouble du réconfort

En cas d’envie de manger, on va donc s’autoriser à manger, mais tout en apprenant à se réconforter du mieux possible, avec ce qui est juste nécessaire. Les techniques de pleine conscience (proches de la psychothérapie Vittoz et de RD2) nous invitent à vivre le fait de manger un aliment lentement, en étant attentif instant après instant à toutes les sensations qui surviennent, y compris les souvenirs, émotions, images et pensées. Dans ce cadre, consommer en pleine conscience les aliments que nous apprécions nous procure du plaisir et nous réconforte, et la constatation courante est qu’alors on en mange en bien moins grande quantité. Quand on a « envie de manger », on n’a pas besoin de nourrir son corps, mais son cœur. On est aussi bien rassasié par la quantité et la qualité de la nourriture, que par le plaisir que l’on a éprouvé à manger. En prendre conscience profondément nous permettra de nous y autoriser de temps en temps. Et automatiquement, cette pratique de pleine conscience nous apprendra aussi à manger sans culpabilité.

Les émotions qui poussent à manger

Le besoin de réconfort est très fréquent dans les compulsions alimentaires, et on mange souvent, par exemple : pour se faire du bien après une contrariété ou une colère ; Sous l’effet d’un sentiment d’ennui, de vide ou de tristesse ; Sous l’emprise d’une inquiétude ; Après un sentiment d’insatisfaction ou de frustration ; pour se révolter envers une contrainte, et en particulier si quelqu’un surveille notre façon de manger ; On mange parfois parce qu’on s’en veut de trop manger ; Et pire que tout, quand on se décourage car la balance affiche un kilo de plus, ou encore tout simplement parce qu’on vient de craquer ! A ce niveau, le travail de psychothérapie de fond va être très enrichissant. En attendant, un travail comportemental en sophro correction existentielle pourra déjà bien aider.

Ressentir et suivre sereinement sa sensation de satiété

Ce n’est pas tout de réussir à bien percevoir la satiété et qu’on a plus faim, encore faut-il pouvoir alors arrêter de manger alors qu’on pourrait continuer encore … et on continue pour plusieurs raisons : présence d’exhausteurs de goût dans l’alimentation, insuffisance de réconfort, partage social du repas, etc. Un travail sophrologique intéressant est d’apprendre à obéir tranquillement à sa sensation de satiété. On pourra proposer de s’exercer en consommant lentement des aliments satiétogènes, par exemple la pomme de terre en « robe des champs », la patate douce, l’œuf dur, les céréales complètes et les légumineuses.

Des difficultés d’estime de soi, de la vision de soi et de son schéma corporel.

A ce niveau, la sophrologie possède de multiples approches qui vont d’ailleurs au-delà de la vision du « petit soi ». La pratique de la méditation pourra se révéler fondamentale. En attendant, la pacification avec certaines parties du corps qui font horreur pourra être une étape fondamentale pour pouvoir revivre en harmonie dans un corps plus souple et plus fluide. Et il n’est pas impossible que le fait de développer la sensation de devenir plus léger dans son esprit soit un préalable important au fait de devenir plus léger dans son corps.

Auteur : Docteur Gilles Pentecôte — Formateur à l’ESSA