Je ne suis pas sophrologue. Je n’ai pas été formé à la sophrologie. Je ne deviendrai certainement jamais sophrologue. Avant de rencontrer Anne Almqvist, j’eus même été incapable de définir la sophrologie. Sophronisation ? Alliance sophronique ? Vivance phronique ? Autant de termes abscons dont je pensais alors qu’ils relevaient d’une science autant mystérieuse qu’inaccessible au néophyte.

C’est dire mon incompétence en la matière.

À défaut de devenir sophrologue on peut vivre une expérience de sophronisant ?

Intentionnalité, Relaxation dynamique, Phénodescription… Depuis quelques mois pourtant, à force de manier plus ou moins à bon escient les concepts propres à cette activité dans le cadre de ce blog, mon champs lexical s’est élargi, me permettant concomitamment de nommer ce qui s’apparente à des tentatives sophro-liminales.

Non pas que je maîtrise les concepts en question. Entendons-nous. Mais, tout de même, il me semble que certaines expériences personnelles présentes ou passées ont pris un sens nouveau à mesure que je taquinais les préceptes d’Alfonso.

Alors que je pataugeais lamentablement dans la triste vacuité d’une conscience ordinaire, il m’est apparu que, peut-être, sans prétendre avoir atteint la conscience sophronique, je m’approchais parfois, avec modération, d’une forme de pleine conscience.

formation en sophrologie

Sans avoir été formé à la sophrologie, puis-je prétendre avoir vécu une séance de sophronisant ?

Ainsi, depuis que je n’y suis plus, en Islande, où j’ai vécu 5 ans, ça m’arrive. Ça remonte. Ça déborde même.
L’autre jour il a suffit du sifflement si étonnement perceptible d’un oiseau qui passait.
Paris s’était tue l’espace de quelques secondes.
Les clameurs urbaines avaient cessé pour ne laisser que silence.
Pour offrir à ce piaf qui voltigeait au-dessus de ma tête l’espace sonore dont il est d’ordinaire dépourvu.

Alors ça m’est arrivé. Ç’est remonté. Ça a débordé même.
J’étais à 64° 08′ 17″ Nord 21° 55′ 43″ Ouest. À Reykjavik donc, capitale de l’île aux volcans facétieux.
Ç’était un dimanche de juin à l’extrême ouest du 101.
Dans « notre » maison de Styrimannastigur 12.
Voyage mémoriel. Songe sensationnel.

8h. Le jour est là, évidemment. La lumière à sa place, comme à son habitude en cette saison, quand aube et crépuscule se saluent à force de se confondre.
J’entre-ouvre un oeil amorphe, qui ne distingue rien, sinon cette aurore ensoleillée, déjà si claire.
Je le referme pour l’épargner. Mon oeil. Laissons-lui du temps pour s’acclimater.
Et puis à nouveau j’essaie.
C’est « notre » arbre, celui du jardin, qui me hisse.
Ses branches oscillent au gré d’une brise légère.
Elles forment un écran éphémère face à l’astre lumineux qui taquine mes paupières.
Elles s’animent aussi sur les murs blancs de la chambre, offrant un second spectacle à mon apathie matinale.
Vas-tu donc te lever bougre de fainéant, me disent-elles ?

Il fait beau. Le ciel est si bleu.
Alors je les ouvre. Mes yeux.
Je tourne la tête.
Ma princesse est encore endormie.
Elle n’a que faire de ces représentations végétales.
J’entends son souffle. J’observe sa nuque.
Je perçois la danse verte et nébuleuse à travers les filaments ocres de sa chevelure.
Et le vent, qui parfois s’engouffre par le vasistas ouvert.
J’entends ma main s’enfouir sous l’oreiller.
Je sens battre mon coeur.
J’embrasse le temps qui passe.
Je goûte la vie qui jouit.

Ne suis-je pas tout entier dans la conscience pleine et entière de moi-même et du monde qui m’entoure ?

Alors je ferme une dernière fois les yeux, fermement décidé à profiter de cette journée qui m’attend.
C’est l’éclat bruyant d’un pot d’échappement qui m’accueille.
En les rouvrant, je suis à nouveau à Paris.

Alors si ça m’arrive. Si ça remonte. Si ça déborde encore.
Il sera temps que j’y retourne. En Islande.

Ou que je prenne rendez-vous avec un sophrologue.

Auteur : Eric Eymard