Quand l’oubli sert de remède provisoire. Quand l’amnésie survient pour préserver l’âme endolorie. Médecin, psychologue et sophrologue oeuvrent de concert pour qu’advienne la résilience. Le recours à la sophrologie peut agir contre les déboires d’une mémoire qui trépasse pour s’épargner la douleur du souvenir.

Ma mémoire est emplie de ce que vous y avez mis.
Boris Cyrulnik

Quel processus de résilience peut-on commencer quand la mémoire traumatique est une chambre noire ? Quand la vie s’est figée à l’âge le plus tendre ? Quand les adultes ont imposé le silence et décapé la moindre trace ? Quel retour de mémoire peut-on autoriser sans se mettre en danger ?

Quels jugements et surtout quelles conséquences ?

Car cette mémoire emprisonnée est sombre et donc dérangeante. En noir et blanc, photos d’autrefois ; en noir ou blanc, mode binaire infantile; en négatif, comme l’impression sur la plaque photographique avant le bain de révélation.

souvenirs photos

Sophrologue, médecin et psychologue tuteurs de résilience

L’actualité nous révèle sans cesse combien les cellules psychologiques sont importantes pour éviter l’installation d’un Syndrome Post-Traumatique. La parole, voix de mon corps et de mon âme, donne forme à la représentation mentale de ce qui vient de m’arriver. Encore faut-il qu’elle puisse s’adresser à quelqu’un qui m’écoute avec empathie permettant, d’une part, l’évacuation de mon émotion par l’élaboration d’un récit et, d’autre part, le rétablissement d’un lien sécure avec l’environnement immédiat.

Pour que je sois sécurisé, mon récit doit être cohérent. Celui que je me fais de ma vie, celui que vous vous faites de ma vie, celui que la culture fait de ma vie. C’est la convergence de ces trois récits qui donne cohérence à mon existence. Je ne peux accepter ce qui m’arrive que si vous, le monde qui m’entoure, mes repères et ma culture, l’acceptez d’abord.

On voit là toute la complexité du traumatisme sexuel quand la parole est muselée, souvent dans la « meilleure » intention de protéger la victime et l’entourage du jugement extérieur.

Comme les familles où les enfants sont battus, la plupart des familles incestueuses paraissent normales au reste du monde. C’est stupéfiant combien les gens peuvent changer une fois leur porte refermée.
Susan Forward

sophrologie pour la résilienceLes préjugés, la peur et la honte qui bâillonnent le récit scindent l’espace-temps de la victime en deux : le monde intérieur et le monde extérieur, le passé et le présent.

En réponse aux terreurs, au drame et à ses éclaboussures, l’urgence de maintenir à tout prix l’apparence, du moment « respectable » pour un futur que l’on veut « respecté », dans une sécurité illusoire, installe en fait un état d’hyper-stress et d’hyper-vigilance durable, avec son cortège de souffrances.

Les enfants abusés et maltraités développent le fameux « sixième sens » et voient, entendent, sentent -mais à quel prix – ce que les autres ne perçoivent pas.

Encryptage

Ce silence de mort enferme la victime dans sa caverne au violeur. Pris au piège, l’enfant, puis l’adulte, ne peut pas parler parce qu’on ne veut pas, ou ne peut pas, l’entendre. Il continue donc de vivre scindé en deux. Il est là sans être tout à fait là. En pleine lumière, alors qu’il souffre, il fait comme s’il allait bien et arrive à vous tromper. Dans l’ombre, il s’isole et soulage sa douleur en pleurant, mais vous ne le savez pas. Tout son être est prisonnier de sa crypte mentale, où le trauma fantôme ne cesse de le hanter et de le martyriser.

Contenus dans ce béton armé, les sentiments, émotions, sensations fusent et s’entrechoquent en électrons libres dénués de sens, impactant les sens et le bon sens dans une maltraitance interne. Pour que la « machine » continue de « vivre », un système complexe évacue la surchauffe physique et mentale par un échappement élaboré et efficace : la somatisation.

Jusqu’à ce qu’un second évènement, voire plus, ne vienne faire fission.

L’oubli n’est autre chose qu’un palimpseste. Qu’un accident survienne, et tous les effacements revivent dans les interlignes de la mémoire étonnée.
Victor Hugo (l’Homme qui rit)

L’impériosité à oublier est parfois telle que l’amnésie peut devenir totale, longue ou durable. La résilience reste pourtant possible car la mémoire a mille encodages et mille langages pour parler.

Cette femme vit depuis quelques temps une épreuve que nombre de gens parviennent à traverser. Elle, pourtant, s’effondre. En réalité, elle implose. En surface, rien ne semble justifier une telle descente aux enfers. En profondeur, l’enfer remonte par remous troubles et opaques.

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Aidée par son médecin pour soulager ses symptômes physiques et soutenue par son psychologue sur son cheminement psychique, elle trouve auprès de sa sophrologue une aide précieuse.

Séance après séance, elle s’approprie des techniques sophrologiques qu’elle applique dans son quotidien pour un apaisement et du corps et du mental reliés.

sophrologue au secours de la mémoireGrâce à ces tuteurs de résilience de compétences complémentaires, grâce à l’écoute, le non jugement et la confiance qu’ils placent en elle, elle se sent sécurisée.

C’est par cet environnement sécure, bienveillant, dénué de toute censure morale qu’a pu s’autoriser le déchirement du voile de l’oubli jeté pudiquement des décennies plus tôt sur une plaie restée béante et à vif.

Décryptage.

Trauma, par petites touches ou à grands traits, tes lambeaux désorganisés affleurent à la conscience. Elle t’identifie, toi, son auteur et ses complices de bonnes intentions. Identification à l’agresseur, fusion, confusion. Vol avec effraction, du corps, de la pensée, de l’essence de l’Etre, de sa confiance, de sa candeur, de son innocence.

Elle raconte :

Tout le monde avait confiance en lui. Il était comme un grand frère. Il m’avait promis une poupée si j’étais gentille, disait que c’était notre secret, qu’on ne m’aimerait plus si je parlais. Je n’ai rien dit. C’est mon corps douloureux qui a donné l’alerte. Après le scandale, il a fallu encore se taire, effacer toute trace puis fuir, le cauchemar familial bouclé dans nos valises et oublier coûte que coûte pour survivre à la honte et à la culpabilité.

Ambivalence des sentiments, confusion des rôles, recherche d’appuis et de repères. Pour avoir douloureusement été rejetées et réduites au silence, les victimes vivent dans la crainte, voire la peur, de déranger, d’être indiscrètes, d’être jugées, de « mal faire », d’être intrusives, de violer l’espace de l’autre quand ce sont elles qui ont subi l’intrusion.

La confusion entrée avec effraction est d’autant plus violente que le jeune enfant ne comprend pas la « gentille » mais douloureuse déchirure de son corps qu’il ne mentalise pas.

L’alliance sophrologique corps et mental posture de résilience

Ici, maintenant, temps sophrologique.

Relecture physique et psychique du passé : cette femme anticipe son passé. C’est à la lumière du présent que sa mémoire se libère et témoigne du fracas de son histoire ; c’est à sa présence au présent qu’elle restaure tout son être. C’est à la chaleur des alliances protect-tutrices et des écoutes thérapeutiques que surgit le passé éclairé du nouveau regard, investi de la corporalité, d’une vivance dégagée de toute morbidité.

Au cours des séances puis chez elle, elle apprivoise son corps et son intellect dont la ténacité trahit la force de son système de protection « inviolable ». Aujourd’hui, c’est l’empreinte phénoménologique de ses soirs adolescents qui se donne à voir : elle se vit dans son lit, en position fœtale, sa main droite en coupe sur l’oreiller recevant son oreille droite au rythme d’un balancement abrutissant et anesthésiant.

Elle se faisait mal pour endormir la douleur. Le cerveau en bouillie, elle ne pensait pas, ne ressentait pas. Clivage corps-esprit, la dissociation réopérait dans une bulle mortifère.

La méthode sophrologique, une unité résiliente

sophrologie au service de la mémoireElle apprend à présent à se créer une autre bulle protectrice, conforme à la réalité du moment, saine, propre et surtout réappropriée. Elle inspire, retient l’air, visualise tous ces petits riens qui la terrorisent  et souffle en rejetant les mains le plus loin possible devant elle.

Elle recommence deux fois. Elle s’applique. Par peur de « faire ce qui est mal ». Elle est étonnée : « ça marche ». Elle balance les bras et tourne sur elle-même, incertaine quant à la bonne exécution de l’exercice, mais elle a bien expérimenté son nouvel espace de sécurité au cabinet et revit l’expérience, pour se l’approprier.

Sa sophrologue la rassure et l’encourage.

Ses craintes et ses jugements sont « normaux ». Normal, un repère dans une histoire où l’anormalité n’était pas la sienne.

« Que m’arrive-t-il ? Il n’est pas anormal de ressentir du désespoir, cela fait partie de la condition humaine » nous dit Christophe André (Méditer jour après jour).

Doucement, elle inspire et expire profondément, avec la sensation que son souffle rejette chaque fois un peu plus du cortisol qui enflamme son corps. Elle se sait attendue au prochain rendez-vous. Elle n’est pas seule.

Anxiété chronique, petit exercice de Pleine conscience. Ralentissant délibérément les gestes, elle observe les bulles du liquide vaisselle. L’enfant qu’elle est restée par force s’étonne : les couleurs chatoyantes, la légèreté, l’élévation. Pourquoi s’élèvent-elles ? Quelle merveilleuse chimie… ? Voilà que son mental reprend le dessus.

sophrologie au secours de la mémoire

Fidèlement à la méthode, elle l’accepte ce mental qui, à ses heures, ouvre les portes du plaisir de la découverte et de la connaissance et qui, à d’autres, inflige ses ruminations et leur pouvoir de destruction. Quelques secondes de pause, d’émerveillement, de baume, d’oxygène, de douceur de vivre dans son monde de moins en moins mortifère.

Patiemment et en pleine conscience, elle trace un nouveau frayage physiologique et psychologique, sécure et qui fait sens. Dans la cohérence, l’identité propre, l’intégrité, l’authenticité, la liberté.
Et dans la dignité retrouvée.

Est résilient celui qui fait quelque chose de son traumatisme et lui donne sens.
Boris Cyrulnik

Auteur : Patricia Stehly